« The Queen of Turquoise » par Basel Rajoub, saxophoniste syrien.

Publié le 20 Avril 2016

Le saxophoniste syrien Basel Rajoub illumine son jazz avec la lumière de son Orient natal. Basel Rajoub est un saxophoniste syrien qui cultive la différence. Né à Alep mais habitant en Suisse, diplômé de l’Institut de Musique de Damas, c'est un improvisateur habile et un compositeur hautement original, qui crée une nouvelle musique à partir de racines culturelles millénaires, qu’il mêle aux tendances du Jazz contemporain.

La musique est un « don » que l’on reçoit. Elle m’a toujours accompagné, au point que j’ai toujours rêvé et eu des pensées en musique. Elle m’attire depuis mon plus jeune âge, et c’est pourquoi j’ai essayé beaucoup d’instruments pendant mon enfance à Damas. C’est à quatorze ans que j’ai découvert la trompette, et elle s’est imposée comme une évidence. Sitôt mes études au lycée terminées, je suis entré au conservatoire où j’ai étudié la musique classique occidentale. Aux sources du projet Soriana… Les premières années, on peut dire que je vivais « à l’intérieur » de la trompette. Je ne faisais qu’écouter, étudier, j’étais complètement immergé. Le jour où j’ai acheté ma première trompette professionnelle, je l’ai même prise dans mon lit pour pourvoir la regarder jusqu’à ce que je m’endorme ! Peu après avoir terminé le conservatoire, j’ai commencé à avoir des problèmes aux lèvres, ce qui est relativement courant chez les trompettistes. Il m’a fallu une année pour comprendre que je ne guérirai pas et qu’il me fallait changer d’instrument si je voulais continuer à faire de la musique. Ce fut une décision difficile, mais je me suis finalement tourné vers le saxophone. S’il s’agissait de l’un des nombreux instruments que j’avais essayé dans mon enfance, j’éprouvais moins d’affinités pour lui que pour la trompette, alors même qu’il était présent dans toutes les musiques que j’écoutais - le quintet de Miles Davis ou Louis Armstrong par exemple. Afin d’arriver au même niveau que celui atteint avec la trompette, j’ai consacré huit heures par jour pendant plusieurs années à l’étude du saxophone. Quand on joue d’un instrument, on adopte sa personnalité, et celle du saxophone est très différente de celle de la trompette. Il m’a donc fallu du temps pour sortir du côté fort et à la fois rêveur de la trompette et pour entrer dans l’atmosphère plus légère du saxophone. Si je devais recommencer ma vie maintenant, je ne saurais vraiment pas quel instrument choisir ! Je joue aussi du duclar, un tout nouvel instrument à vent que j’ai découvert par Internet alors que je cherchais quelque chose qui ressemble au saxophone, mais qui soit en bois. Le son m’a beaucoup plu et j’ai immédiatement pensé à changer les tonalités afin de les régler sur les gammes orientales. C’est un instrument à la fois très limité, puisqu’il n’a qu’une seule octave, et en même temps très riche parce qu’il suffit de jouer trois ou quatre notes pour être instantanément transporté en Orient. Le son du bois à lui seul est quelque chose d’unique et, dès que je l’ai essayé, je l’ai adopté et en ai joué pendant plusieurs mois. C’est de cette période que sont issus les trois morceaux au duclar qui figurent sur The Queen of Turquoise. J’ai commencé à m’intéresser aux musiques orientales plus ou moins au moment où je me suis mis au saxophone. J’ai d’abord réécouté les disques du compositeur arménien Aram Khachaturian, puis je suis passé au folklore syrien, et j’ai continué de plus en plus loin dans cette direction. C’est ainsi que le projet Soriana – qui signifie notre Syrie - est né. 

 

The Queen of Turquoise est mon troisième disque. Auparavant j’ai fait paraître Kamir en 2007 et Asia en 2009. Sur Kamir, mon groupe était constitué d’une contrebasse, d’une batterie et d’un piano, il n’y avait pas d’instruments orientaux. De 2009 à 2011, j’ai résidé au Liban et en Turquie et réalisé Asia, un mot qui signifie bien sûr Asie mais qui est aussi le nom de ma sœur. C’est dans ce projet que j’associe pour la première fois le qanûn, instrument traditionnel, au saxophone. Cela faisait quelques années que je cherchais le son qui me convenait, celui que j’entendais intérieurement. Je l’ai retrouvé quand je me suis mis à composer pour le qanûn. Cependant, cet instrument est à la fois harmonique et mélodique, et il n’est vraiment pas évident de l’associer au saxophone. J’ai dû par exemple développer de nouvelles techniques pour pouvoir jouer les microtons de la gamme arabe au saxophone. Les percussions quant à elles amènent la chaleur. Le titre de The Queen of Turquoise est la traduction littérale du nom de ma femme, Malika Fairouz : en arabe, Malika veut dire la reine et Fairouz c’est la turquoise. J’ai composé les morceaux de ce disque en Suisse, où je réside depuis 2011. J’y ai repris une discipline de travail et me suis beaucoup entraîné pour faire une mise à jour de mon son, de mes techniques et de ma façon d’improviser. J’ai en quelque sorte repris un processus d’étude, dont le but était de développer un son plus chaud, plus ample, plus coloré, afin d’affiner encore mon approche orientale.

 

Basel Rajoub, mars 2016

« The Queen of Turquoise » par Basel Rajoub, saxophoniste syrien.

Basel Rajoub : saxophone soprano, tenor et duclar

avec

Kenan Adnawi :  oud

Andrea Piccioni :percussions

Feras Charestan : qanun

Lynn Adib : chant

 

Produit par Basel Rajoub 

 

Enregistré au studio Entropya (Pérouse, Italie), par Stefano Bechini

Track n° 3 enregistré à Ragdoll Production (Suède) par Patricia Viguurs

Mixé et masterisé par Manfred Leuchter à Musentempel Aachen

 

Peinture (1° de couverture) : Ahed Alnaser Rajjoub

Artwork : Karma Tohme

Rédigé par Last Night in Orient

Publié dans #2016, #MUSIQUE DU MONDE, #Jazz, #Actualités, #Musiques du monde, #Albums découvertes

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C
Bonjour, <br /> Simplement superbe, c'est presque un retour à la source de la musique, je suis sous le charme.<br /> Bonne journée<br /> @mitié
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C
SUPERBE !!! Merci Mario !!!
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M
Merci Catherine !