Qaçaid : poèmes savants, de formes complexes
Publié le 14 Décembre 2007
Le qasidah (aussi transcrit, kasida, qasideh, qaçida ou ghasideh) en Arabe قصيدة, en Persan قصیده, est une forme de poésie chantée et récitée originaire de l'Arabie pré-Islamique. Elle a typiquement une longueur de 50 vers, parfois plus de 100. Cette forme a ensuite été adoptée par les persans, qui l'ont transformé en poème non versifié de plus de 100 lignes en l'utilisant et la développant énormément. Ces poèmes sont chantés et créés selon des règles précises. La musique marocaine est restée beaucoup plus traditionnelle que les autres. Ses modes musicaux continuent d'être adaptés au climat du message ou à être chantés.

Poèmes chantés et récités
Poésie et musique ont toujours été étroitement liées dans la musique arabe, et le chant est aux sources de l'art musical. Les motifs rythmiques proviennent ainsi souvent de la métrique des textes poétiques. Le Coran est généralement psalmodié à haute voix et cette récitation publique fait souvent appel aux modes mélodiques de la musique arabe. Les supplications et chants religieux de la musique islamique empruntent davantage encore au système musical, tout en mettant en valeur le texte de façon comparable à la récitation du Coran.
Dans le monde arabe, la récitation de poèmes fait traditionnellement partie des cérémonies, des célébrations et des spectacles profanes. Il est d'usage de chanter des poèmes savants, de forme complexe, aussi bien que des vers de la poésie populaire ; on attend du chanteur qu'il traduise l'atmosphère et la signification du poème, sans obscurcir les calembours ou autres jeux de mots. La version chantée d'un qasidah, long poème narratif évoquant la nature, des évènements politiques ou exprimant une dévotion religieuse, reprend la tradition classique préislamique. Selon cette tradition, le chanteur créait sa propre mélodie sur quelques vers particulièrement expressifs empruntés à un qasidah. Leurs interprétations comportaient de longues variations ou improvisations inspirées par les réactions des auditeurs à l'atmosphère du poème et à la musique. Cette tradition se perpétue dans une multitude de genres vocaux, en particulier à travers les chansons populaires.
Le Qasideh est souvent une panégyrique écrite pour louer un roi ou un noble. Ce type de Qasideh est connu sous le nom de madih. Les Qaçaïd ont un seul sujet, développé logiquement jusqu'à une conclusion.
Souvent, ou bien tous les vers riment dans un couplet ou une ligne sur deux dans un couplet de quatre vers.
Le titre de l'image ci-dessus est "Chant de luth dans un jardin pour une noble dame" Hadîth Bayâd wa Riyâd (Histoire de Bayâd et Riyâd). Espagne, XIIIe siècle, Papier. Vatican, Bibliothèque apostolique (Ms Ar. 368) Ce volume est l'unique exemple d'un ouvrage illustrant une histoire d'amour et l'un des rares manuscrits à peintures conservés provenant de l'Occident musulman. Il pourrait, selon certains détails architecturaux, avoir été copié en Espagne almohade. Ses quatorze miniatures, proches de la peinture du XIIIe siècle en Mésopotamie, se déroulent dans des palais et des jardins où évoluent des personnages aristocratiques.
La forme classique du qasideh maintient un seul mètre tout au long du poème, et chaque ligne rime. Ces poèmes sont considérés comme faisant partie des plus élaborés dans le monde. Dans son livre du IXème Siècle, Kitab al-shi'r wa-al-shur'ara (Livre de la poésie et des poètes), l'écrivain arabe ibn Qutaybah dit que le ghasideh est formé de trois parties. Ils commencent par une ouverture nostalgique, connue sous le nom de nasib dans laquelle le poéte reflète ce qui est passé. Un concept commun est celui de la poursuite par le poète de la caravane de son amour; au moment où il atteint leur campement, ils se sont déjà déplacé.
Le nasib est généralement suivi par le takhallus - une libération ou un désengagement. Le poéte atteint souvent ce désengagement en décrivant sa transition de la nostalgie du nasib vers la partie suivante du poème. La deuxième section est le rahil (section du voyage) dans laquelle le poète contemple la dureté de la nature et de la vie loin de sa tribu. Finalement, il y a le message du poème, qui peut prendre plusieurs formes: une louange à la tribu, fakhr; des blagues à propose des autres tribus, hija; ou quelques maximes morales, hikam. Alors que de nombreux poètes ont dévié, intentionnellement ou non de ce plan dans leurs qasideh, on reconnait souvent ce plan.
Un des qaçaïd les plus populaires et les plus connus est le Qasida Burda ("Poème du manteau") de Imam al-Busiri , qui est basé sur le classique qasideh de Ka'b ibn Zuhayr. Ce poème classique de Ibn Zuhayr fut composé à l'aube de l'Islam, comme une preuve de sa conversion. En échange de ce poème, le prophète Mahomet lui offrit son burda, ou manteau.
Le terme désigne aussi un genre de la musique bédouine (appelée communément « Sahraoui ») se composant d'un tachrih et d'un ay-ay ou les vocalises, sur un bourdon de flûte, qui alternent avec des soli d'une flûte qui, elle même, est soutenue par le bourdon d'une autre flûte (Il évoque le bourdonnement d'un essaim d'abeilles et la voix change de registre selon le contenu sémantique des vers et d'un raqs, partie rythmée destinée à la danse.
La construction de la poésie classique arabe est basée sur la répétition d'une même rime finale et sur l'équivalence rythmique de tous les vers de la Qacida (le poème). C'est ce qu'on appelle "Al Shi'r Al 'Amûdi" ou déploiement vertical de la construction poétique. La rythmique du vers qui se traduit par une disposition particulière des consonnes vocalisées et des consonnes muettes va s'exprimer dans un déploiement horizontal qu'on appelle "Al Bahr" (littéralement la mer); c'est-à-dire le mètre prosodique.
La théorie du 'Arudh (métrique) établie par le philologue arabe Al Khallil ibn Ahmad (718-791) va décrire les aspects techniques de cette construction. (On rapporte que c'est sa parfaite connaissance de la musique qui a permis à Al Khallil d'établir sa théorie).
Cette théorie commence par codifier la hiérarchie présente dans la poésie. Elle va identifier cinq niveaux dans la construction poétique:
- Le niveau des lettres (consonnes vocalisées et consonnes muettes);
- Le niveau des complexes syllabiques (les Sabab et les Watad qui sont des groupements de consonnes).
- Le niveau des paradigmes (groupements d'au moins un Sabab et d'un seul Watad.);
- Le niveau de l'hémistiche (moitié d'un vers)
Et enfin le niveau du vers entier qui donnera toute sa physionomie au poème (à la "Qacida")