Cheikh El Afrit
Publié le 27 Avril 2008
Cheikh El Afrit (الشيخ العفريت), de son vrai nom Isseréne Israël Rozio, né en 1897 à Tunis et décédé le 26 juillet 1939 à l'Ariana, est un chanteur tunisien. Incontestablement une figure de proue et pionnier de la chanson tunisienne, on retient de lui sa voix forte et profonde à faire pâlir d’envie de nombreux virtuoses de la chanson. Pour chanter, il n’avait pas besoin de microphone. Actionnant son lourd pilon, il chantait tout ce qui lui passait par la tête.
Jeunesse difficile
Son père, Salama Rozio, abandonne sa famille, alors qu'Isseréne est jeune, pour rejoindre son Maroc natal. Pour aider sa mère à nourrir la famille, il vend ses pâtisseries au miel à travers les ruelles du quartier juif de Tunis où il vit. Le maigre pécule qu'il ramène ne suffit guère. Aussi loue-t-il ses bras, comme d'autres enfants, pour moudre du café au pilon de bois dans une petite fabrique de torréfaction. Pour se donner du cœur à l'ouvrage, il fredonne les mélodies libyennes que lui chante sa mère en s'accompagnant des sonorités creuses des pilons. Sa voix force l'admiration de ses jeunes compagnons qui le surnomment affectueusement El Afrit (« Le Démon », non dans le sens maléfique du terme mais dans celui de l'excellence dans son domaine, autrement dit « Le Génie »).
Carrière musicale
Un jour, un mélomane l’entendit. Impressionné par la puissance de sa voix, il lui conseilla de se lancer dans la chanson. A dix huit ans, il démarrera sa carrière. Le succès vint très vite en raison de la nouveauté du répertoire qu’il empruntait à sa mère. Celle-ci connaissait une infinité d’œuvres populaires du patrimoine libyen. Très vite, il fut sollicité par les maisons de disques qui assurèrent sa popularité dans tout le Maghreb. Il devint ainsi l’animateur préféré des soirées du mardi que le Bey donnait dans son palais de Hammam-Lif.
À ses 20 ans, il décide d'entreprendre une carrière artistique et sa voix fascine tout de suite son auditoire. Il reçoit le qualificatif de cheikh signifiant dans le jargon musical « celui qui est détenteur du savoir » et qui est décerné à tout chanteur émérite.
S'il apprécie le ton incantatoire et lancinant du malouf, il ne lui déplaît pas de reprendre certaines chansons légères à la mode faisant les délices de son public lors des nombreuses noces et galas qu'il anime. Il chante la vie et les passions contrariées, forgeant des images évocatrices et pleines de mélancolie.
D'emblée, Tunis adopte ce chanteur à la myopie prononcée et vêtu d'un costume sombre et d'un tarbouche rivé sur la tête. Il chante généralement assis, comme le veut la tradition, portant sa main en pavillon à son oreille droite. Cheikh El Afrit ne se produit qu'avec sa propre troupe composée d'Albert Abitbol au violon, de Messaoud Habib à l'orgue, de Maurice Benais au oud, d'El Malih à la derbouka et d'Abramino au Qānun.
Sollicité à travers tout le pays, le chanteur voyage aussi a l'étranger, notamment en Algérie, où il effectue de fréquents séjours. Au Caire, le compositeur Zaki Mourad, père de la grande cantatrice Leïla Mourad, lui voue une réelle admiration. Les promesses alléchantes des sociétés de disques et sa voix propagent la popularité du cheikh. C'est sans doute le compositeur-chanteur Acher Mezrahi qui lui concocte son plus éloquent succès : Tisher we titgharrab (Voyage et tu connaîtras le goût de l'exil). Le départ, les passions contrariées et l'errance demeurent ses thèmes favoris.
Autre reconnaissance, Cheikh El Afrit se produit tous les mardis au palais du Bardo à la demande d'Ahmed II Bey qui le fait chercher en carrosse.
Ses plus fameux succès ont pour titre :
- Elle se baigne dans la mer
- Combien je regrette ma belle jeunesse
- Serre bien ta ceinture, elle aussi s'est affolée
- Ô ingrate que tu es...
- Je suis un touareg
- Bienvenue aux fils de mon maître
- Ô Fatma, après tant de malentendus et d'angoisse
Il décède le 26 juillet 1939 à l'hôpital de l'Ariana des cosnéquences d'une broncho-pneumonie. Il laisse un répertoire éclectique de 480 chansons qui fait de lui l'un des plus grands interprètes de la musique tunisienne.

Bibliographie
- Hamadi Abassi, Tunis chante et danse. 1900-1950, éd. Du Layeur, Paris, 2001
Voir aussi
Liens internets
- Cheikh El Afrit : le pionnier de la chanson par Tahar Melligi
- Écouter Yalli rajelha meghiar sur Radio Tunis
