Le dhikr dans la culture musicale soufie
Publié le 28 Avril 2008
De tous les peuples du Monde, c'est sans aucun doute les Arabes qui auront le plus étroitement associé la musique et la transe. Dans la vie religieuse d'abord, avec le soufisme, ou la transe (Wajd) qui pour beaucoup d'adeptes tient une grande place dans la quête de Dieu, s'obtient très souvent par la musique. Dans la vie profane ensuite, ou traditionnellement l'émotion musicale (tarab) débouche fréquemment sur les conduites de transe.
Comme les chiites, opposants à l'islam majoritaire sunnite, les soufis vénèrent Ali, cousin et fils adoptif de Mahomet dont il épousa la fille Fatima. Ali fut assassiné en 661 par un soldat issu des tribus rebelles qui s'étaient approprié la succession de Mahomet. Il eut deux fils, Hassan et Hussein. Ce dernier devint martyr en périssant en 680 à Kerbela sous les coups des troupes ommeyades - c'est le drame raconté par le Tazieh, théâtre populaire et chanté d'Iran, pays d'obédience chiite. Les chiites croient également en un douzième imam, l'Immam caché, qui reviendra à la Fin des temps pour rétablir l'équité et la prospérité. Pour les soufis, Ali et Hussein sont devenus les chefs d'une tradition mystique où l'on trouve également des traces d'influences chrétiennes, zoroastriennes, hindoues, et qui se pratique également au Maroc. La liberté, revers d'existence motive les soufis. Ils préfèrent l'intuition à la raison en donnant une interprétation allégorique du Coran. La musique et la danse sont des moyens efficaces de parvenir à la communication avec le divin. Ils ont recours au rythme, comme les derviches tourneurs turcs ou les gammalis pakistanais pour approcher Allah.
Les zaouïas de l'extase où le soufisme s'accomplit selon Mawlânâ « dans la musique, le chant et la danse » , furent les gardiennent de la musique andalouse. Le lieu de prédilection reste les réunions dudhikr (remémoration) et du samaâdhikr en position assise, l'ensemble se lève pour entamer la phase chaude de la hadhra avec Jedba (danse extatique) : durant cette deuxième partie, chants et instruments de musique (hautbois et herraz dans le cas des Hamadcha), se joignent à la cérémonie.
Dans tout le Maghreb, les zaouia citadines, ont servi de conservatoire pour le modèle musical médini d'origine andalouse. Ce modèle a été introduit à Essaouira par les artisans d'origine andalouse aussi bien musulmans que juifs. Il semblerait qu'on venait de loin à Mogador pour consulter David Iflah et David El Qayem sur les noubas andalouses disparues. Le grand chantre du samaâ d'Essaouira - le père de Abderrahim Souiri - s'asseyait dans sa jeunesse aux escaliers des maisons juives où avait eu lieu un mariage pour écouter les modulations vocales des pyutims juifs de Mogador, qui sont l'équivalent des bayteïnes dans l'oratorio des confréries de l'extase.. (oratorio) . Ce sont des séances collectives de litanies et de danses extatiques comme on peut le voir encore aujourd'hui chez les Hamadcha d'Essaouira.
Le dhikr (dhekkâr) est le nom d'une une prière comparable à une litanie, le nom de Dieu est inlassablement répété jusqu'à prendre le corps puis l'esprit, amenant ainsi à un état de transe et à un anéantissement de la conscience. La pratique du dikr revêt deux aspects principaux : celui qui est solitaire et celui qui est collectif, ce dernier est lié à la musique et à la danse. Sa pratique est différente de celle du sama, toute l'assemblée est prise par état de transe.
Le dhikr est aussi dirigé par un maître spirituel, le cheikh auquel s'adjoignent les chanteurs. Les prières sont chantées et reprisent en chœur par l'assemblée, elles sont accompagnées très vite d'un mouvement du buste d'avant en arrière, ce mouvement introduit une scansion dans le chant jusqu'à amener l'état de transe. La pratique du dhikr ذِكْر [ḏikr], évocation; mention, rappel, répétition (du nom de Dieu)) est commune à tout l'islam. Cependant c'est dans le soufisme qu'il prend toute sa force. Cela devient un procédé pour se détacher du monde et parvenir à une extase, à l'anéantissement (fana').
Le dhikr s'accompagne souvent de l'usage d'une sorte de chapelet (مِسْبَحة}} [misbaḥa], misbaha; chapelet). Cette pratique est justifiée par ces versets du Coran :
Après les séances du dhikr en position assise, l’ensemble se lève pour entamer la phase chaude de la hadhra avec Jedba (danse extatique) : durant cette deuxième partie, chants et instruments de musique (hautbois et herraz dans le cas des Hamadcha), se joignent à la cérémonie.Dans tout le Maghreb, les zaouia citadines , ont servi de conservatoire pour le Modèle Musical Médini d’origine andalouse. Ce modèle a été introduit à Essaouira par les artisans d’origine andalous aussi bien musulmans que juifs. Il semblerait qu’on venait de loin à Mogador pour consulter David Iflah et David El Qayem sur les noubas andalouses disparues. Et mon père me racontait comment le grand chantre du samaâ d’Essaouira – le père de Abderrahim Souiri – s’asseyait dans sa jeunesse aux escaliers des maisons juives où avait eu lieu un mariage pour écouter les modulations vocales des pyutims juifs de Mogador, qui sont l’équivalent des bayteïnes dans l’oratorio des confréries de l’extase..
Ô vous qui croyez ! Invoquez souvent le nom de Dieu ! Louez le matin et soir. Le Coran (XXXIII ; 41-42)
Invoque ton Seigneur quand tu oublies, et dis : « il se peut que mon Seigneur me dirige vers ce qui est plus proche que cela du chemin droit. »
Le Coran (XVIII ; 24)
Ou encore,
" if yâ durri
Tourne ma perle rare, fiasques à la main
Encore et encore verse moi du vin
Abreuve-m'en, tout contre ton sein
Dans des coupes, jusqu'au matin.
Debout ! et chant en bayyâtî
Emeus les convives, mon ami
Tu es mon âme, tu es ma vie
A mes yeux le plus joli
Viens mon compagnon, oublie
Les censeurs et le blâme
Sois doux, ô ma gazelle
Sans détours ni palabres."
Le dhikr se distingue de la méditation (fikr), il consiste à répéter une formule courte comme la chahada. Le dhikr peut être accompagné de musique et de danse.
Il existe plusieurs hadiths authentiques ou le Prophète donne des indications du nombre de fois ou la formule doit être prononcée. Les gens de la Sunna et du Consensus considèrent que le dhikr doit se faire individuellement pour chaque croyant et en aucun cas utiliser de la musique et de la danse considérant que le Prophète et les meilleurs générations de musulmans après lui n'ont jamais procède de cette manière. Mais le dhikr n'est pas seulement la répétition de formules, il peut prendre plusieurs formes: l'étude du Coran dans un cercle d'étude est considérée comme un dhikr, l'étude de hadiths en est une autre, la lecture du Coran et même la prière obligatoire est un dhikr comme le dit ce verset du Coran : "Et accomplis la prière pour le Souvenir de moi" ("wa aqimi salata li dhikri") (Sourate Ta Ha, verset 14).
Voir aussi
Le Sama
Festival Soufi de l'Unité du 1er au 5 janvier 2011 - Sénégal