Le mezoued tunisien

Publié le 29 Avril 2008

 

Le mezoued également orthographié mezwed ou encore appelé à tort zukra est un instrument à vent originaire de Tunisie et une forme de la musique populaire tunisienne. Cet instrument de musique apparenté à la cornemuse, d'une longueur totale de 64 cm, répandu en Tunisie mais aussi utilisé en Algérie et en Libye. D'origine bédouine, cet instrument s'est propagé des campements nomades vers les campagnes puis les villes. Il se joue généralement accompagné du bendir, du tbal et de la derbouka. Pour jouer du mezoued, le musicien place la poche en peau sous le bras et s'en sert comme d'un soufflet. Le son est obtenu en se servant des trous comme d'une flûte, l'air étant fourni par le soufflet.


Instrument de musique

Le terme Mezoued est dérivé du mot arabe mizwij qui signifie en arabe « double ». L'instrument est, en effet composé de deux parties : un chalumeau double en roseau, décoré au feu et attaché à deux pavillons en corne de veau, et deux anches simples. Le chalumeau comporte cinq ou six trous. Ces trois pièces forment la kaffa : c'est cet ensemble qui produit le son. Cette « kaffa » est liée à une caisse d'air en forme de sac, faite de peau de chèvre, qui sert à emmagasiner de l'air pour faciliter le jeu des différentes notes. Elle est appelée chekoua ou dhorf. Elle est actionnée par le bras de l'instrumentiste qui peut respirer tout en jouant un son continu et aigu. La longueur de la chekoua varie d'un instrument à l'autre.

L'instrumentiste de cette cornemuse orientale peut altérer les notes de musique en variant la quantité d'air. C'est ainsi que le joueur peut jouer différents modes musicaux.



Forme de la musique populaire tunisienne

Le mezoued, comme genre musical  est arrivé en Tunisie au début du XXème siècle à travers la Lybie et était très utilisé dans les banlieue de Tunis par des ouvriers qui se réunissaient après le travail autour de la musique, la danse, la poésie (en dialecte) et quelques bières...Leur instrument, leur chant, leur voix, leur musique, festifs et grivois où pointe parfois la rage des exclus, le désespoir des taulards, l’amour inconditionnel pour la mère et les blessures de l’abandon ou de la traitrise de la femme aimée

Le mezoued est longtemps ignoré par les instances culturelles officielles qui valorisent les formes de musique arabe  classique au détriment de la musique populaire. L'histoire retient surtout des responsabilités portées par un certain  Salah El Mahdi qui durant toute sa vie a malheureusement renié de manière catastrophique la pratique et la reconnaissance du mezoued au point de ne lui accorder aucune origine, aucun repère. Avec feu Abdelhamid Bel Algia, trop longtemps chef d’orchestre de la Troupe de la Radio tunisienne, il a toujours interdit le passage de cet art populaire sur les ondes de la télévision tunisienne, considérant que qu'il s'agissait d'un art populaire de très mauvais goût et de piètre qualité. Surenchérissant de lui dénier encore de nos jours l'étiquette de patrimoine culturel authentiquement tunisien. Ce qui est absurde c'est de maintenir le mezoued, et les autres arts populaires tunisiens, à l'écart du savoir musical, anthropologique et culturel tunisien et de reconduire des concepts obsolètes de type art mineur et art majeur, art low (inférieur) et art high (supérieur), abandonnés depuis plus de cinquante ans par le monde de l'art et de la pensée artistique, philosophique et sociale du monde entier.

Le mezoued se diffuse dans la culture urbaine des couches défavorisées et déracinées par l'exode rural. Il peut être vu comme l'expression d'un mal-vivre et d'une défiance vis-à-vis de la culture dominante. Il s'inscrit volontiers contre les codes de la bienséance en adoptant un langage argotique et en traitant de thèmes provocateurs voire grivois. Ses plus sévères critiques associent le mezoued au zendali (réputé comme le chant des taulards) .Cette forme musicale, où l'instrumental domine, est accompagnée des paroles d'un chanteur exprimées en dialecte (darija) tunisien plutôt qu'en langue arabe comme dans les formes classiques de musique). Cette musique est souvent accompagnée par des choristes. 

Même s'il est quasiment absent des médias - télévision et radio -, le mezoued est néanmoins diffusé par cassettes, ce qui le fait connaître du grand public.  Le développement des technologies bon marché des appareils et supports d’enregistrements, constituera un facteur de rapprochement entre les producteurs et les consommateurs de la chanson du mézoued. La croissance du marché est spectaculaire, de nouveau noms percent dans le sillage de Habbouba le précurseur, tels: Salah Farzit, Nourredine El Kahlaoui, Errouge, Tellili Lotfi Jormana et d’autres. De plus, il possède un caractère festif et incarne la culture de masse face à une culture élitiste.

Au début des 90, la fresque musicale et chorégraphique Ennouba mise en scène par Fadhel Jaziri et  Samir Agrebi entreprend de le réhabiliter en l'incluant dans le patrimoine musical tunisien - A ce propos Agrebi est considéré très largement comme l'un des plus ardents défenseurs du mezoued dont il rejette la diabolisation, il œuvre par ailleurs sans relâche pour que la chanson tunisienne, sous sa direction, devienne un laboratoire où s'élabore scientifiquement la recherche musicale.

Dans la même optique, le mezoued est de plus en plus incorporé au répertoire des plus grands chanteurs tel Hédi Jouini. Enfin, c'est peut-être en apparaissant comme une forme musicale spécifiquement tunisienne qu'il regagne ses lettres de noblesse dans la cité.

 


Artistes de mezoued

 

affiche1.jpg

Rédigé par Mario Scolas

Publié dans #Musiques tunisiennes, #Mezoued

Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
A
Merci pour cet article.<br /> Est-ce que quelqu'un pourrait m'aider à trouver un mezwed pour le coup ?<br /> Merci !
Répondre
B
les instruments du mezoued qoui;???
Répondre
B
Bonjour,<br /> <br /> merci pour cet article très enrichissant, je ne savais déjà pas que c'était Salah el mahdi qui l'avait interdit, je pensais que c'était Bourguiba :).<br /> <br /> Ma réponse est certes très tardive, mais je voudrais bien faire la différence entre Mezoued et zokra. Vous mentionnez Fatma Boussaha qui, dans ces chansons, utilisent Zokra et non pas le Mezoued. Les tunisiens appellent à tort tout ce qui est musique populaire Mezoued. On distingue au moins trois types:<br /> <br /> - Le Mezoued (vous avez mentionné des joueurs de Mezoued comme Hichem Lekhdhiri, Gatel essid ou encore le jeune Amine Ayadi). Les autres sont des artistes qui ont dans leurs troupes un joueur de Mezoued.<br /> <br /> - Zokra: C'est très connu dans lé régions de Kairouan, Kasserine, Sidi Bouzid ou même Gafsa et dans le sud.<br /> <br /> - Gasba: Très populaire surtout dans le nord ouest, sur toute la frontière tuniso-algérienne.<br /> <br /> J'espère avoir apporté quelques précisions :).
Répondre
M
<br /> très bon article sur le mezoued tunisien et un petit plus avec les commentaires qui ajoute un peu plus d'info merci j'aiaussi vu un article sur le mezoued tunisien et le soufisme je l'ai aps encore<br /> lu mais je pense qu'il doit être aussi interessant<br /> merci encore<br /> <br /> <br />
Répondre
L
<br /> <br /> merci Amine pour vos encouragement, je l'avoue, j'ai eu le concours des commentateur sur le sujet ! Si vous avez des interprètes de mezoued, outre ceux cités dans l'article, je vous invite<br /> également à les mentionner en zone de commentaire...<br /> <br /> <br /> <br />
Z
<br /> Pour la masse il y un seul genre du mezoued mais pour la cinéaste Sonia Chamkhi il existe trois genres de cet art populaire ancré dans les traditions musicales des tunisiens : liturgique<br /> (essentiellement lié aux mausolées), Zendali (en étroit rapport avec les chansons populaires dans les prisons) et enfin le mezoued dansant, le plus répandu.<br /> <br /> Pendant deux années Sonia a mené des recherches sur le mezoued et ses vedettes d’antan et d’aujourd’hui, elle présente le fruit de son travail à travers son film documentaire intitulé "l’art du<br /> Mezoued".<br /> <br /> On a beau essayer de faire taire les "mzeoudia" (chanteurs du mezoued) et le "mezoued", officiellement banni des médias, mais en vain. Le "Mezoued" est resté malgré l’embargo médiatique, la musique<br /> la plus populaire en Tunisie.<br /> Sonia Chamkhi lui a consacré tout un documentaire de 52 minutes qu’elle présentera en avant première le 14 août 2010 au cinéma le Colisée<br /> <br /> <br />
Répondre