Mohamed Tahar Fergani, une figure de proue du malouf

Publié le 20 Mai 2008

 L’ensemble du patrimoine dont se réclame Constantine ne se limite pas au seul vaste corpus des Nubats (appelé comme en Tunisie et en Libye malouf), mais y associe toutes les formes musicales régionales dites « musiques citadines populaires » qui résultent des métissages entre musiques savantes et musiques d’essence populaire. Autour du noyau malouf viennent se greffer toutes les matrices musicales « périphériques » annexes, connues en Algérie, tels que le Hawzi, le Aroubi, le Zedjel et le Mahdjouz.

El Hadj Mohamed Tahar Fergani محمد الطاهر الفرقاني (né le 9 mai 1928 à Constantine - ), de son vrai nom Reganni, fils de Cheikh Hamou est un célèbre chanteur, musicien et compositeur algérien de hawzi (un répertoire musical proche de la Moussiqua al-âla qui allie subtilement la musique populaire au développement très long faite constituée d'un ensemble de courtes pièces).

Fergani est également considéré comme l'une des figures de proue du malouf. Son chant est souvent décrit comme une harmonie exemplaire. Il parvient à réaliser une synthèse équilibrée de la chanson traditionnelle dans ses différentes facettes. La puissance de sa voix qui  incarne un degré de qualité d'interprétation charme un grand nombre des  mélomanes.

Il demeure l'un des rares chanteurs à interpréter ses compositions portant sur l'étendue de quatre octaves. Primé et réompensé à de nombreuses occasions aussi bien en Algérie et au niveau international, il demeure l'une des références majeures du hawzi.

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Biographie et parcours musical

De son vrai nom Reganni, fils de Cheikh Hamou, célèbre chanteur de hawzi, il est né le 9 mai 1928 à Constantine.

Son père était issu d'une famille de mélomanes était déjà un virtuose du hawzi. Il est d'abord épaulé par son frère Abdelkrim, qui l'initie au métier de la broderie, un métier très prisé et rentable dans sa ville natale.

C'est à l'âge de 18 ans, qu'il se consacre entièrement à la musique et débute comme joueur de fhel (un instrument de musique à vent apparenté à une petite flûte) dans l'orchestre d'Omar Benmalek, avant de se tourner vers le genre charqi (oriental, d'inspiration égyptienne) au sein de l'association Toulou' el Fadjr (l'aurore). Sa voix chaude et puissante impressionne dans l'interprétation de chansons d'Oum Kalthoum ou de Mohammed Abdel Wahab.

Un peu plus tard, après s'être essayé au style hawzi un style populaire des faubourgs de Tlemcen, il s'oriente sur les conseils avisés du fameux Cheikh Hassouna Amin Khodja vers le malouf, un genre musical d'origine andalouse, le plus enraciné à Constantine, mais également à Annaba, à Tunis et à Tripoli, un style dont son père lui enseignera dans sa jeunesse les bases essentielles.

En 1951, à Annaba, il se fait remarquer à un concours musical, dont il remporte le premier prix, et, dans la foulée, enregistre un premier album qui l'impose, à la fois, comme chanteur populaire et maître du malouf. Au contact des grands maîtres de l'arabo-andalou algérien, tels Dahmane Ben Achour ou Abdelkrim Dali, il perfectionne son art, parvenant à assimiler et maîtriser le répertoire des trois écoles maghrébines : l'algéroise et sa sana'a, la tlemcénienne avec sa musique gharnati et, bien sûr, la constantinoise avec son malouf plus vif qu'ailleurs.[1]

 

Héritage familial

El Hadj Mohamed Tahar Fergani est le père du maâlem Salim Fergani, une autre célébrité de la musique arabo-andalouse, oudiste expérimenté qui s'exprime volontier avec bonheur dans les principales formes poético-musicales, malouf, zajal, mahjûz et hawzi, constituant le répertoire familial, transmis fidèlement d'une génération à l'autre. Fils aîné de Hadj Mohamed Tahar Fergani, maître incontesté des musiques citadines constantinoises et petit-fils de cheikh Hamou Fergani (1884-1972) chanteur réputé du genre Hawzi et figure charismatique de la confrérie des Issawia, Salim Fergani se révélera, très jeune, doué pour la musique et c’est donc naturellement son père qui se chargera de son apprentissage et lui prodiguera les bases de la musique andalouse.
Il multipliera à partir des années soixante-dix les concerts, les enregistrements et les émissions télévisées faisant découvrir au public un artiste au talent établi, à l’avenir prometteur particulièrement apprécié par les fins connaisseurs des musiques citadines constantinoises.
C’est à partir des années quatre-vingt qu’il entamera une brillante carrière internationale qui le mènera en Europe, en Asie, en Afrique et aux Etats-Unis et se fera ainsi, le porte voix de cet art séculaire et méconnu pour le large public.
Maîtrisant parfaitement cette subtile alchimie du verbe et du son, Cheikh Salim Fergani distille pour notre plus grand bonheur la quintessence même de cet art séculaire. S’immergeant complètement dans une sorte d’extase mystique, il nous emporte dans un rêve éveillé des jardins de l’Alhambra aux patios du palais du Bey de Constantine, dans un monde de réminiscences éclatantes ressuscitant ainsi le paradis perdu.

 

Reconnaissance

Primé à de nombreuses occasions et consacré tant sur le plan national qu'au niveau international, Fergani demeure l'une des références majeures et est souvent l'invité incontournable de toutes les manifestations culturelles où la qualité artistique prime sur l'effet de mode. Son sens mélodique aigu, son génie sans pareil dans l'improvisation, la richesse de son style, sa virtuosité dans le maniement du violon, tenu à la verticale, et son audace à dépasser ses limites ont fait école et, pour lui, c'est la plus belle des récompenses pour une aussi longue carrière, encore en mouvement.

Le 18 mai  2008, son fils, le chanteur Mourad Fergani offre pour les 80 ans de son père, une scène de choix - la tribune de l'Unesco - et un public en or venu des quatre coins de Paris pour partager, vendredi soir, ce moment particulier, un anniversaire, que l'on fête traditionnellement en famille et dans la stricte intimité. En faisant son entrée sur scène, en plein milieu du spectacle, le maître du malouf (musique andalouse) a eu droit à une longue «standing ovation» de la part du public. Ce dernier n'a pas hésité à entonner «joyeux anniversaire ya Fergani» à la grande joie du chantre qui s'est montré touché par tous ces signes de reconnaissance et de considération.

Discographie sélective

Anthologie de la musique arabo-andalouse (2 volumes); 1992 (Ocora - Radio France)

 

Notes et références

  1. ↑ Le malouf occupant plus que jamais dans la tradition musicale tunisienne une place privilégiée car il comprend l'ensemble du patrimoine musical traditionnel et englobe aussi bien le répertoire profane (hazl) que les répertoires religieux (jadd) rattachés aux liturgies des différentes confréries. Il recouvre toutes les formes de chant traditionnel classique : le muwashshah, genre post-classique dont la forme se détache du cadre rigide du qasideh classique, le zajal qui s'apparente au muwashshah mais fait surtout usage de la langue dialectale, et le shghul, chant traditionnel « élaboré ». Mais la forme principale du malouf est la nouba, terme désignant à l'origine la séance de musique d'une forme musicale, et que l'on peut aujourd'hui approximativement rapprocher par le terme suite musicale.


Voir aussi

  • Musique algérienne

Lien internet

 

Rédigé par Mario Scolas

Publié dans #Musique arabo-andalouse

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