Abderrahim Souiri : Le ténor de Mogador
Publié le 13 Septembre 2008
Il n’est pas de doute que le regain d’intérêt pour la musique andalouse ou la musique « Al-Ala », notamment par les jeunes, est dû à l’abnégation et au dévouement de certains artistes qui ont fait de cette musique leur raison d’être. Malheureusement, peu d’artistes ont opté pour l’originalité et la promotion des musiques que le temps allait faire oublier en raison des développements que connaît la scène artistique. En effet, la plupart des chanteurs sont pris dans les filets des clips, de la chanson dite, à tort ou à raison, moderne. Mais d’autres ne l’entendent pas de cette oreille et continuent, contre vents et marées, de faire preuve de résistance face aux nouvelles vagues. Leur détermination a fini par avoir raison de la tendance des nouvelles générations à chercher d’autres mélodies, d’autres rythmes qui se veulent en vogue.
On ne peut évoquer la musique andalouse sans que nous viennent à l’esprit les noms de deux chanteurs qui ont donné à cette musique une nouvelle dimension et participé à son adoption par les jeunes. C’est la paire Bajeddoub-Abderrahim Souiri. En effet, tout le monde s’accorde à dire que la musique andalouse a beaucoup gagné en intérêt notamment auprès des jeunes qui y voyaient une musique plutôt « rétro ». Préjugé infondé certes, mais le mérite de Bajeddoub et de Abderrahim Souiri est justement d’avoir prouvé grâce à leur façon de chanter que la musique andalouse, telle la musique classique, transcende les époques et les générations et qu’il faut bien en saisir le sens textuel, musical et vocal. Et c’est ce dernier volet qui a été développé par Bajeddoub et Souiri avec une plus grande recherche dans la poésie, notamment les Mouachahates.
Biographie et évolution musicale
Abderrahim Souiri, de son vrai nom Abderrahim Aït Chelleh (né en 1957, à Essaouira) est un chanteur de musique arabo-andalouse marocaine connu pour sa voix puissante dans son Mawwâl qui puise dans la tradition des confréries soufies qui au cours de leurs échanges entre l'Orient et le Maghreb, ont élargi le cadre de son interprétation, du chant religieux (inshâd) pratiqué lors de leurs cérémonies à la musique arabo-andalouse. Aucun marcocain, ne peut ignorer ses interprétations de chems el hâchia, fiachia (de Sidi Bahloul Cherki et popularisé bien avant lui par sidi Abdessadek Chekara), la illa ha illa allah, amulati alala, ou encore dour biha ya chibani.
Son père, muezzin lui apprend les rudiments de la musique et du chant et lui donne une éducation religieuse et l'étude des versets du Coran. Abderrahim Souiri est malheureusment orphelin de son père à l'âge de 12 ans. Le grand chantre du samaâ d'Essaouira - le père d'Abderrahim Souiri - s'asseyait dans sa jeunesse aux escaliers des maisons juives où avait eu lieu un mariage pour écouter les modulations vocales des pyutims juifs de Mogador, qui sont l'équivalent des bayteïnes dans l'oratorio des confréries de l'extase. Ce sont des séances collectives de litanies et de danses extatiques comme on peut le voir encore aujourd'hui chez les Hamadcha d'Essaouira.
En 1973, Abderrrahim Souiri quitte Essaouira pour Casablanca et intègre le lycée Ibn Battouta par la suite le lycée Moulay Driss où il a eu son baccalauréat dans la section lettres modernes.
Il s'inscrit à l'Université Hassan II, mais abandonne les cours. Pour gagner sa vie, Abderrahim Souiri animait des soirées religieuses avec, entre autres, Fqih Hayani.
À Haj Driss Benjelloun Touimi, président de l'Association des amateurs de musique andalouse, un mécène passionné, Abderrahim Souiri doit sa rencontre avec Haj Abdelakrim Raïs, l’un des noms les plus prestigieux qui ont marqué l’histoire de la moussiqua al-âla marocaine contemporaine.
Sa carrière est lancée en 1986. Feu le Roi Hassan II, le remarque et l'invite à l'une de ses soirées. Ce monarque remarquable m' a complimenté pour ma voix et m'a demandé de lui interpréter une chanson de la musique arabe classique. Quand j'ai fini de chanter, il m'a félicité et m'a conseillé de m'essayer à d'autres registres que la musique andalouse. Un conseil précieux que j'ai suivi. Je suis avant tout un chanteur polyvalent. Je touche à tous les styles musicaux tout en gardant mon empreinte, qui a fait ma réputation.» Un choix qui lui ouvre les portes du monde.
Abderrahim Souiri avec Abderrahim Amrani Marrackchi
La musique andalouse qu'interprète Abderrahim Souiri, comme celle de ses précepteurs, balance entre le génie de ses compositions et la sensualité de ses chants. Ses inconditionnels autant que les simples amateurs l'apprécient à sa juste valeur.
Abderrahim Souiri n'est pas seulement un chanteur, mais un viveur. Par essence généreux, il aime partager son bonheur avec tout ceux qu'il aime : sa famille, ses amis et ses admirateurs prenant ainsi plaisir à vivre avec eux leur souffrance. Une souffrance qu'il dissimule dans son large sourire et qu'il absorbe au fond de son âme. Une âme faite pour chanter la vie et la mort. Au delà se jouent les notes d'une musique qui sillonne la volupté de l'être et du néant dira un de ses admirateurs et amis. Il fait partie des artistes populaires les mieux payés du Maroc. Ses concerts font toujours salle comble, ses apparitions à la télévision sont assez fréquentes et ses disques inondent désormais grandes surfaces et échoppes de DVD. Mais c’est bien lors de soirées privées que le virtuose d’Al Andaloussi réalise l’essentiel de ses revenus. Mariages, baptêmes, grandes réceptions… c’est un artiste très demandé qu’il faut booker plusieurs mois à l’avance, surtout durant la saison estivale où il peut se produire un soir sur deux pendant plus de deux mois. Son cachet ? “Il se déplace à partir de 100 000 dirhams par soirée, mais cela peut être beaucoup plus durant l’été par exemple”, confie un connaisseur. De plus en plus, Souiri se produit également en Europe, aux Etats-Unis et dans les pays arabes.
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