Mohamed Ghali El Fassi, un homme au service du Malhoun
Publié le 26 Octobre 2008
Mohamed Ghali El Fassi, (né en 1909 à Fès - décédé en 1991), fils de Abdelouahed El Fassi, est un homme d'état marocain. Il fut ministre de l'Éducation Nationale et des Beaux-Arts au Maroc sous le Gouvernement Bekkay Ben M'barek Lahbil (1955-1956), il a également été conservateur de l'Université Quaraouiyine de Fès, puis de l'Université Mohammed V de Rabat. Il est nommé sous-directeur à l'UNESCO à Rabat et représentait le Maroc.
Sur le plan culturel, El Fassi est parfaitement intégré dans la double culture arabe et française. Il était très proche du roi Mohammed V, qu'il l'a utilisé comme symbole d'unité nationale.
Doté d'une immense culture, on sait moins de lui qu'il a été la première figure du monde arabe a avoir rassemblé et compilé l'oeuvre de 500 auteurs de qaçaid (poèmes monométriques) qui ont été sources d'inspiration dans le malhoun et styles musicaux qui en dérivent. Il prit soin de mentionner toutes les biographies des auteurs.
Biographie succincte
Descendant d'une célèbre famille dont le rayonnement intellectuel a été particulièrement brillant à Fès, Mohamed Ghali El Fassi a fortement marqué la vie sociale et politique du Maroc pendant pendant de très nombreuses années.
Il reçut une formation religieuse au collège Moulay-Driss puis à al Quaraouiyine dont il deviendra le recteur.
Plus tard, il obtiendra une licence en lettres à la Sorbonne ainsi que le diplôme de l'institut des langues orientales.
Son cousin Allal El Fassi, fonde le parti indépendantiste marocain, l'Istiqlal, qu'il rejoint également et a été aussi l'un des signataires du Manifeste de l'indépendance.
Il a épousé en 1935 Malika El Fassi qui était musicienne (elle joue du oud et de l’accordéon), elle a fondé avec Haj Driss Benjelloun Touimi "Jamiyât Houat El moussika al andaloussia".
Le couple a eu 4 enfants : Saïd (ancien ministre de l'habitat), Abdelouahed (membre du Cabinet Royal), Fatima Zohra et Amina.
Haj Driss Bejelloun Touimi fut le président fondateur des amateurs de la musique Andalouse au Maroc à la fin des années 50. C'est lui qui a introduit notamment Mohamed Bajjddoub auprès du maître de la musique andalouse, feu Haj Abdelkrim Raïs, qui l’a encouragé à poursuivre dans la voix du chant A Capella et du style Mawwal d’improvisation modale. Haj Driss Benjelloun est également le grand père de Rita connue de Studio 2M et qui évolue vers un autre style musical.
Ce dignitaire fut une personnalité de choix dans le monde politique et culturel marocain. Membre pendant de longues années du Comité Exécutif du parti de l'Istiqlal et était censé en exprimer la doctrine. Il fut longtemps recteur de l'Université de Rabat, et ministre d'Etat des Affaires culturelles. Cet homme fut l'un des artisans majeurs de l'introduction de la langue arabe comme langue officielle de cette organisation.
Comme premier ministre de l'Education nationale du Maroc indépendant, il fut l'auteur du premier rapport sur la Réforme de l'Enseignement au Maroc. C'est à ce titre qu'il décide, dès la rentrée de 1957, l'arabisation du Cours Préparatoire. Cette mesure improvisée et mal perçu fut considérée comme une catastrophe et cela, lui fut régulièrement reproché par l'opinion publique. Cette arabisation hâtive aboutit à une véritable débacle et précipita le départ de Mohamed El Fassi du ministère en mars 1958.
Cet homme eut une attitude d'ouverture, contrairement à ses collègues de l'Istiqlal, par rapport à l'enseignement des langues berbères. Alors qu'il était recteur de l'Université de Rabat, il avait notamment conçu le projet de la création d'une chaire de berbère dans le cadre d'une section d'ethnographie, où tous les "dialectes" marocains auraient été enseignés. L'avant-projet rencontra une vive opposition, et Mohamed El Fassi estima que la réalisation en était à cette époque prématurée.
Mohamed Ghali El Fassi et le Malhoun
Doté d'une immense culture, on sait moins de lui qu'il fut la première figure du monde arabe a avoir rassemblé et compilé l'oeuvre de 500 auteurs de qaçaid (poèmes monométriques) qui ont été sources d'inspiration dans le malhoun et les styles musicaux qui en dérivent. Il prit soin de mentionner toutes les biographies des auteurs.
L'origine du Malhoune ou Melhoun ou Malhun en arabe الملحون comme forme musicale savante est relativement moderne et remonte au XIIe siècle. Elle emprunte ses modes à la musique arabo-andalouse en shématisant ses modes en exposant une forme littéraire qui ne respecte pas la structure grammaticale classique (le Qasideh). Citadine, cette musique se cultive principalement à l'intérieur des corporations artisanales.
Le malhoun, dont les racines sont à chercher dans la région du Tafilalet, est d'une richesse et d'une splendeur inégalée, la contribution des chioukhs, des mounchidines et des poètes marocains, juifs ou musulmans, reflètent les différents aspects de la vie quotidienne.
le malhoun ne fait pas jouer d'instruments de musique mais est accompagné avec les claquements des mains. Au Maroc, personne n'a oublié les représentants du malhoun judéo-arabe, ni les maîtres, ni Sami El Maghribi qui avait donné des concerts à Fès et à Rabat, ni surtout Salim Halali, le chantre du modernisme. le Malhoun ne se limite pas seulement à de belles paroles, mises en poèmes à la magie enchanteresse, il est bien plus, avec tout cela, un riche trésor culturel pour la mémoire universelle, maghrébine en particulier ; c’est un livre ouvert qui nous parle des péripéties de l’histoire, un dictionnaire fidèle qui protège la langue du splendide Maghreb.
Mohamed El Fassi considèrait que le malhoun (musique où coexistent le religieux, le profane et le fantastique) est un poème destiné à être chanté et donc à être habillé en musique, c’est une mise immédiate en mélodie. Un exemple frappant contemporain « Annahla Chama », un titre de Nass el Ghiwanne, est un poème Malhoun de trois cent vers écrit au XIXe siècle par Thami El Medeghri. Il est découvert dans les années 30 par feu Mohamed El Fassi, ce poème à été traduit vers le français à la même époque.(source).
Tout ceci dans un contexte particulier, en 1963, Mohammed El Fassi, recteur de la Faculté des Lettres de Rabat, encourageait l'élaboration de « glossaires pratiques du type… dites, ne dites pas… destinés à faciliter le passage de l’arabe marocain à l’arabe classique » dans un souci de fixer la langue comme le fit le poète français François Malherbe (1555-1628) qui a milité en faveur d’une poésie nationale susceptible d’être comprise par les plus humbles sujets. L'ouvrage se trouve actuellement à l'académie royale du Maroc.
Plusieurs personnes ont effectués des recherches dans la musique et la poésie du malhoun, on pense à Abbas Jirari (1), Haïm Zafrani (2), Abdellah Guennon (3), ou encore à Mohamed El Fassi...
Une association pour pérenniser la mémoire de Mohamed Ghali El Fassi
Le 21/10/2008, plusieurs figures musicales du Maroc s'engagent à promouvoir l'impact que feu Mohamed Ghali El Fassi a répercuté dans la musique malhoun.
L'Association Mohamed el Fassi de tarab el malhoun est composée originellement de 5 personnes est présidée par Talbi Abdelali : chanteur de Malhoun de la confrérie des Issawa. Notons en passant que les membres de cette confrérie considèrent leur répertoire de poésies comme un « signe distinctif original et exclusif ». Chantées en idiome local ou en arabe classique, ces chants sont soutenus par un accompagnement instrumental discret et chaloupé en deux temps appelé hadârî. Les thèmes des poésies chantées par les Aïssâwa sont les louanges à Dieu, au Prophète, au fondateur de la confrérie et à tous les saints (walî-s) de l’Islam.
L'association a pour objectif d'effectuer un travail de terrain et de nouer des contacts avec les parties concernées, tant à l'intérieur du Royaume qu'à l'étranger, de participer à connaissance des chioukh, des mounchidines et des poètes qui ont marqué par leurs apports cet art ancestral méconnu pour les générations futures qui devront à leur tour être les garants de la pérennité de ce patrimoine.
Les autres membres de Association Mohamed el Fassi de tarab el malhoun sont :
- Rachid Jaber : chef du groupe Ahl Touate, groupe traditionnel marocain.
- Abdellatif Moujtahid : chanteur de malhoune de la confrérie des Issawa.
- Abdellah Yakoubi Kbakbi : chanteur de malhoun et chef du groupe d'Issawa
- Abderrahim Amrani Marrakchi, membre fondateur : chef du groupe des hamadcha et chanteur de malhoun et chercheur dans l'art traditionnel, directeur artistique dans des projets discographiques de musiques sacrées.
Abderrahim Amrani avec le grand chanteur de malhoun Abdelkarim Guennoun
moqqadem aissawa Abdellah Yakoubi Kbakbi
Voir aussi
Notes
1) Abbas Jirari (né à Rabat en 1937), a effectué de nombreuses recherches portant sur le patrimoine arabe, la pensée islamique et les questions culturelles. Parmi ses publications : "Al hourrya oua Al Adab" (La liberté et la littérature), "Attakafa fi Maarakat Attaghyir" (La culture dans la lutte pour le changement), "Mouachahate Maghribya" (une recherche dans la poésie andalouse) et "Taqafat assahra" (la culture sahraouie).
2) Haïm Zafran est un chercheur qui a exploré la fécondité du patrimoine culturel bimillénaire du judaïsme marocain, en faisant connaître sa production écrite et orale dans toute sa diversité et son ampleur.
3) Abdellah Guennoun (né à Fès en 1908) Il reçoit une éducation de base des sciences (théologiques, sociales, humaines) auprès de plusieurs érudits de Tanger. Sa carrière a été notamment marquée par sa participation à la création de l'Alliance des Oulémas du Maroc qu'il préside de 1961 à 1989. Il a publié les revues "Lissan Eddine" et "Al Ihyaa" et le journal "Al Mithaq". Ses oeuvres traitent de divers domaines du savoir dont la littérature, l'histoire, la langue, la poésie, les études islamiques et le patrimoine. Parmi ses publications, on cite notamment "Le Génie marocain dans la littérature arabe" (3 tomes), "Célébrités du Maroc" (50 épisodes) et "Discours sur la littérature marocaine moderne". Après une riche carrière, il s'est éteint le 9 juillet 1989 à Tanger où il est enterré au cimetière Al Moujahiddine. Le défunt a légué à la ville sa riche bibliothèque ainsi que sa propre demeure.
Bibliographie
- Chants anciens des femmes de Fès, Mohamed El Fassi, , Paris, Seghers, 1967.
Source : forum de discussion de Souss.com