Cheïkh M’hamed Bourahla : un maître du chaâbi « kheloui »

Publié le 31 Octobre 2008

Cheïkh M'hamed Bourahla (né à Koléa le 18 février 1918, est un maître de musique marocain.

Biographie
Il  a commencé à conquérir un public plus large dans les années 1946-1947 lors de ses passages à la Radio d'Alger dans les émissions de langues arabe et kabyle (Elak).

Il puise sa force des « qacidate », poèmes ramenés de Fès (Maroc) chez cheikh Driss El Alami durant la période 1948-1953.


En 1955, il enregistre deux 45 tours, Mdinet el Haâdher el aâdhra el Djazaïr et Mouda chlal y a dlel marsem. Bourahla chante le chaâbi d'un manière différente des autres artistes, à l'exemple de El Hadj M'hamed El Anka, en interprétant ses chants avec un style particulier appelé « kheloui »



Idriss ibn al-Hassan al-Alami(إدريس بن الحسن العلمي)


Or, que signifie le « kheloui » et en quoi diffère-t-il du « ankaoui » ?

 

Dans son livre Cheikh M'hamed Bourahla et le style kheloui (1), Rachid Boukari relève que l'« ankaoui » est un « dérivé de la musique arabo-andalouse composée de noubas ».

Elle est  divisée en phases ordonnées :  Ni sader, darj, insiraf et khlas au rythme croissant avec intercalés, des morceaux de musique appelés koursi ou istikhbar, servant d'une phase à la suivante.


Les règles musicales auxquelles obéit l'interprétation d'une nouba sont très strictes.


Le mélange des genres n'est pas permis ou, quand il l'est, il obéit à des règles. (p47).

Le « kheloui » se distingue du « ankaoui » par  une liberté plus grande ... ; la qacida ou le choix des qacidate reste l'essentiel dans l'organisation d'une soirée.


Pas (ou très rarement) de touchia d'introduction  (p48).  Ce style est « très difficile surtout dans le rythme » et pourrait être défini « comme une authenticité par rapport aux autres, ou une originalité de caractère, ou une extravagance que dépasse la mesure, ou encore, une extraversion d'une personnalité qui s'extériorise facilement et qui est réceptive aux modifications de son environnement (la mélodie et le rythme changeant d'une qacida à une autre) ». (p 49).


Cheikh Bourahla a effectué deux enregistrements pour la Télévision algérienne. Ce qui est très peu au regard du riche répertoire qu'il a interprété.


Le maître de musique décéda le 2 septembre 1984 à La Mecque où il était en pèlerinage. Outre la musique, il avait exercé, en parallèle, les métiers de coiffeur, libraire et d'aide-soignant.

 


Source

1) Rachid Boukari. Cheikh M'hamed Bourahla et le style kheloui. Editions du Tell, Blida (Algérie) 2004.

 


Voir aussi

http://amar888.skyrock.com/676687733-M-hamed-BOURAHLA.html

Cheikh M’Hamed Bourahla, une véritable légende

Ces jeunes, férus de raï et de musique légère connaissent-ils le Cheikh M’hamed Bourahla. En fait, personne ne l’a encore, jusqu’à présent, vraiment imiter comme il se doit pour un virtuose de la chanson chaâbi. Selon les aînés, El Hadj M’hamed Bourahla est mort lorsqu’il était en pèlerinage aux Lieux Saints de l’Islam. Parmi ses célèbres chants, tout le monde, profanes ou amateurs, vous parleront, vous diront qu’il a fait le voyage de lui-même au Maroc voisin pour ramener son qcid : El Meknassia, el Wahdani, Ya dhalma. Le cheikh a créé une véritable école de chaâbi et les connaisseurs s’amusaient à le comparer au Cardinal El Hadj M’hamed El Anka, plus médiatisé que l’enfant de Koléa, et chacun y allait, nombrilisme oblige, de sa version stipulant que les deux vénérés cheikhs du chaâbi communiquaient par chansons interposées. En fait, en vérité, celui qui écoutait l’un devait nécessairement entendre l’autre chanter et jouer avec dextérité de leurs mains. El mizane (le tempo) ne variait pas tant que cela entre les deux personnages énigmatiques d’un état d’être de toute une génération d’après-l’Indépendance et même de la génération actuelle. La flamme de l’artiste, pour parler de El Hadj M’hamed Bourahla, continue d’éclairer les soirées des mélomanes. Quelques artistes du terroir ont bel et bien essayé de chanter selon son style. Peine perdue. Le cheikh Bourahla est inimitable. A lui seul, il constitue une école où l’élève peine à trouver la faille ou l’astuce qui fait la beauté de son chant. En fait, l’on se soûlait rien qu’en le voyant, qu’en l’entendant entonner un qcid. Il n’aimait pas l’apparat, selon certains, mais pour le voir accepter d’être invité à une soirée, il fallait être trié sur le volet, ce qui ne l’empêchait cependant pas d’improviser une qaâda, un petit récital, si la compagnie lui convenait.

Le cheikh avait, durant son jeune âge, fait tous les métiers avant d’opter pour la profession de coiffeur, profession où l’on disait de lui qu’il excellait. Il écoutait non pas les racontars mais les petites plaintes du bon petit peuple. Le soir, il tenait son instrument à la main, et adoucissait les peines de la population de Koléa et des environs. L’on raconte que même l’illustre Hadj El Anka envoyait en reconnaissance ses amis à la ville de Sid Ali M’barek voir ce que le cheikh chantait. En fait, le cheikh ne chantait pas comme n’importe quel rossignol. Son chant tantôt pleurait, tantôt il était gai. Sa voix exceptionnelle descendait, remontait, cherchant à capter les pulsations de la petite société de Koléa, ville citadine et région rurale par excellence, une ville de culture et d’art depuis des siècles et des siècles, et qui a toujours été le centre de rencontre des cultures, des différentes cultures de la nation algérienne, qu’elle soit chaoui, nous en avons à Koléa, mozabite, kabyle, arabe, turc.

Le cheikh M’hamed Bourahla comme pour perpétuer les noubas de l’antique Andalousie, faisait des recherches musicales à même de rendre les vers des auteurs du dernier siècle accessibles à la grande masse des Algériens. Sa notoriété acquise s’est répercutée sur le commerce, nous ne parlons pas ici du commerce mercantile, mais des rapports qui en sont tissés entre les membres de différentes villes, s’en est tout à coup trouvé relancé à des degrés insoupçonnés. « En effet et cela est particulièrement une donnée réservée à la chanson chaâbie, les mélomanes qui se déplaçaient pour ou avec les chanteurs de musique populaire, pouvaient apprécier, et la ville qu’ils visitaient, de nuit, heure où les femmes ne circulent pas, et leur cuisine, et les règles de bienséance avec leurs hôtes. A la fin de la soirée chaâbi, donc à l’insiraf, les invités accomplissaient la prière du sobh, faisaient quelques achats et repartaient tout heureux d’avoir lié connaissance. C’est un peu ce qui manque actuellement et pas spécialement à Koléa », résume un coiffeur mélomane. 


Mohamed Djamel (Paru dans le quotidien algérien Le Courrier d'Algérie, (juillet 2008)


M'hamed el anka 22 ans, ds son costume traditionnel en 1929

Rédigé par Last Night in Orient

Publié dans #Musiques marocaines

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