Melhoun

Publié le 10 Décembre 2008

"Celui qui ignore la poésie ne connaît pas la route de l'intelligence qui conduit à la sagesse par les degrés de la science et de l'art." - Chanson du Souss.

Un poète n'est donc pas qu'un artiste au sens où l'entendent les gens raisonnables :  Il participe de l'histoire de son temps et de son pays, de la famille et de la société qui l'ont modelé sans parvenir à le corrompre, des injustices et des bonheurs de ses contemporains. Un poète se doit sans doute plus encore d'être vivant parmi les vivants. Seuls des enfants immatures peuvent encore se demander si la poésie, si l'art est utile. Je ne puis que répéter cette phrase fameuse du grand Mallarmé que je cite de mémoire :  « L'art a pour devoir social de donner une issue aux angoisses de son époque ».(Bernard Bonnejean - Publié dans : C'est quand même peu de choses que de nous -)

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Le malhoun serait le chant par lequel les chameliers rythmaient le déhanchement des caravanes pour animer les soirées étoilées autour d'un gîte d'étape. « A ces chants de chameliers, nous dit Ghazali, même les chameaux sont sensibles, au point qu'en les entendant ils oublient le poids de leurs charges et la longueur du voyage et qu'ainsi excités étendent leurs cous n'aillant plus d'oreilles que pour le chanteur : ils sont capable de se tuer à force de courir ». Or nous dit toujours Ghazali, « ces chants de chameliers ne sont rien d'autre que des poèmes pourvus de sons agréables, aswat tayeba et de mélodies mesurées, alhan mawzouna. En effet, cette poésie populaire qu'est le malhoun est aussi un art musical, plus précisément un tarab, cette émotion musicale qui aboutit à l'extase.»

La culture populaire au Maghreb revêt une immense richesse, bien qu'elle fut surtout transmise oralement. Depuis l'ouverture à l'université de Tlemcen (Algérie), d'un troisième cycle spécialisé en "culture populaire", des écrits qui sont surtout des thèses de Magister ou doctorat, sont venus enrichir la connaissance de ce patrimoine poético-musical qu'est le Malhoun qui est la plus élaborée des formes de versification écrite en arabe dialectal.

L'histoire et la géographie du Maghreb ont intéressé un grand nombre d'auteurs étrangers aussi bien que des auteurs arabes. Mais il n'en fut malheureusement pas de même pour le patrimoine populaire et plus particulièrement le melhoun au Maroc. Les écrivains marocains semblent avoir été beaucoup plus attirés par les dictionnaires biographiques, l'hagiographie, le mémoire, les généalogies, et la poésie de cour. 

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envoyé par johssine


Origine du Malhoune

L'origine du Malhoune ou Melhoun ou Malhun en arabe الملحون est un poème mélodique issu d'une culture authentiquement marocaine, qui remonte au XIIe siècle, et emprunte ses modes à la musique arabo-andalouse en simplifiant ses modes et se développe sous une forme littéraire ne respectant pas la structure grammaticale classique (le Qasida). Il est un imposant corpus de poèmes et de chants véhiculés par une double tradition orale et manuscrite, représentant un art plus élaboré des formes de versification notamment en arabe dialectal.

Les exodes de populations ont eu toujours de grands impacts sur la vie culturelle des sociétés et notamment sur leur production musicale. Ces impacts peuvent aussi revêtir la forme d’une mutation linguistique. On peut puiser de multiples exemples dans l’histoire socioculturelle du Maghreb. La venue des tribus hilaliennes en Afrique du Nord sous les Almohades a eu pour conséquence de féconder la musique, cela avait donné naissance à la poésie chantée dite «Chi’r al-Malhoun» laquelle devait sceller la communion arabo-berbère. Quand vint le moment de conquérir l’Andalousie, un grand mixage se produit alors dans cette rencontre entre trois cultures, l’ibérique, l’amazighe et l’arabe qui finit par accoucher de la musique andalouse. De même, l’afflux des Noirs de l’Afrique subsaharienne a introduit le gnawi alors que tout près de nous, plus exactement au 19e siècle, l’exode de Kabyles vers la Casbah d’Alger a eu pour effet de faire éclore la musique châabie. Mais tous ces genres musicaux s’appuient sur un substrat commun ou du moins entretiennent avec lui des liens étroits. Ce substrat c’est le « malhoun » étymologiquement « mélodique » qualificatif qui s’applique au « poème ». Déclamé en arabe dialectal et en amazigh (surtout au Maroc) selon le principe de l’art poétique, les qacidate (poèmes) sont devenues avec le temps une sorte de koïnè musicale maghrébine. Cette koïnè se déploie sous formes diverses. Malhoun et châabie en Algérie, Malouf en Tunisie et « qacida du ghazal » au Maroc. 

Le rôle du poète dans l'ancienne société marocaine est considérable. Il est avant tout le chroniqueur, l"historien" de sa tribu. Il ne chante pas seulement ses amours et ses déboires propres, mais aussi et surtout les événements vécus au sein de sa tribu. Au cours d'une joute entre clans rivaux, c'est à lui que l'on fait appel pour prendre la défense des siens. Respecté et vénéré à l'égal d'un saint, sa parole est écoutée, car il possède la sagesse et le secret des mots qui vont droit au cœur.

Le poème écrit en zajal (زجل) est enrichi de mélodies populaires, cette création va donner naissance au Malhoun. La chanson populaire arabe au Maroc emprunte ses modes à la musique andalouse. Il est connu depuis l'époque almohade où de nombreuses productions marocaines et andalouses du zajal ont vu le jour. L'art Almohade marquait l'apogée artistique du Maghreb. Il se caractérise par une épuration des formes traduisant la rigueur religieuse. C'est l'affirmation des formes géométriques. Les bâtiments sont massifs mais allégés par des décors. Le tout donne un effet de majesté. Ils sont les les bâtisseurs de villes comme Ribat el Fath (Rabat) et cette époque  constitue un point fort de l'union culturelle entre Maghreb et Andalousie. A une grande rigueur religieuse correspond également un déploiement des sciences. Les élites s'ouvraient à la culture andalouse  (poésie, médecine, philosophie...) avant de venir régner dans la capitale Marrakech. La différence entre culture citadine des élites et culture plus frustre des tribus s'affirmait de plus en plus.


La forme première du malhoun était véhiculée par les maddahin, s'accommodait en effet très bien avec la mission de diffusion d'information que s'étaient assigné les premiers Almohades.

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Les qacidate véhiculent une mémoire, une histoire. Le melhoun n’exprime pas seulement des sentiments, il est la mémoire qui a fait l’histoire de l’Algérie et du Maghreb. Contrairement à ce qu’on pense, le melhoun n’est pas exclusivement oral, il a donné lieu à une profusion de manuscrits qui avaient circulé sous forme de registres. Ces documents dénommés diwans, véritables œuvres d’art étaient joliment calligraphiés. C’est grâce à l’écrit qu’on avait pris connaissance des zajals du cheikh andalou Bengouzman. Déjà Léon l’Africain qui a vécu au XVIe siècle notait dans son livre «Description de l’Afrique» que les poètes prenaient part à des compétitions où il donnaient libre cours à l’expression de leur art. En attendant qu’on écrive une histoire du Malhoun, il faut faire observer que les Marocains revendiquent la paternité de cet art. Il serait originaire du Tafilalet et a connu une mutation après avoir été mis en contact de la musique andalouse et des chants populaires. Le genre a vu le jour à l’époque des Almohades, en 1 147 environ et s’est développé sous la dynastie des Saâdiens. A cette époque il avait reçu sa codification en mesures dites « Surûf », l’équivalent des « taf’ilât » de la poésie classique. Le Cheikh Abd El-Aziz El-Maghraoui en serait le précurseur, il avait désigné le pied métrique sous le terme de « Dân ». Il eut des disciples dont le plus marquant est le poète El-Masmûdi, qui avait opté pour le mot « Mîli » pour désigner le pied. Si le Tafilalet en fut le berceau, le genre ne s’est pas moins propagé dans les villes à l’image de Marrakech, Meknès, Fès, Taroudant, Asfi, Salé et Rabat. Quoi qu’il en soit, les maîtres du chaabi algérien ont puisé pour la plupart dans les textes marocains auxquels ils ont su donner une nouvelle vigueur en recourant à une interprétation originale aux couleurs du pays. 

Le malhoun à Essaouira a connu des jours fastes au XIXème siècle avec son représentant le plus illustre Mohamed Ben Sghir. Selon le chercheur illustre du patrimoine du malhoun. Ahmed Souhoum, Mohamed Ben Sghir représente un chaînon fort du malhoun et de la tradition poétique souiri de ce siècle. Ce maître était un adepte de la confrérie des aissaoua pour laquelle il a composé plusieurs chants religieux (adkar). Sa poésie d'une extrême finess épousait la culture de son époque. Néanmoins la richesse de ses textes et de son répertoire lui on valu une grande notoriété dans tout le Maroc et ce jusqu'à nos jours. Parmi ses célèbres qaçaïd on peut citer en particulier Lafjar (l'aube); achamâa (la bougie), al falaka (la punition), al kasbah et al warchane (la colombe). Al Warchane est un véritable hymne à l'amour de l'auteur pour sa ville natale, poésie dans laquelle la colombe d'Essaouira effectue une longue périgrinatio, imaginaire jusqu'à Tlemcen en Algérie après avoir rendu visite aux sept saints des régraga dans l'arrière pays des chiadmas pour receuillir leur bénédiction.

 

"ô colombe...

Colombe, va chez les fils d'Essaouira

qui résident à Tlemcen.

Porte leur le salut d'Allah

prie pour leur gloire et leur lumière,

Pour qu'il nous reviennent comme ils nous ont quittés.

De la porte du lion tu sortiras colombe,

tu demandera protection à Sidi Mogdoul, seigneur du port.

Sa nouvelle est parvenue jusqu'à Istambul.

Sois prudente et éveillée.

Dépasse les amas de pierre au dela de la grande colline,

Et touche de tes ailes moula dourain (saint de Regraga),

Gloire de notre pays.

Demain à l'aube tu te purifieras à l'écoute de la prière."

 

Mohamed Bassis (né en 1927), fut également un authentique interprète de malhoun pendant plusieurs décennies.

Le doyen de la musique Melhoun, Haj Houcine Toulali qui avait créé une école de Malhoun qui a contribué à la préservation de cette expression musicale typique reflétant les différents aspects de la vie quotidienne.

Le Malhoun est un art qui vit encore grâce à la jeune generation de voix comme Asmae Lazrak, Majda El Yehyaoui, entre autres, les villes réputées pour le représenter sont Meknès, Tafilalt, Taroudant, Marrakech, Fès.

 

Détail

De nombreux termes génériques ont été utilisés pour désigner le Melhoun. On trouve : « Qarîdh », la « langue », les « paroles », le « nidhâm », la « poésie », l'« âme », la « science du génie » et enfin le Melhoun. On pense que ce dernier terme dérive de la racine « lahn », qui signifie mélodie ; malhûn désignerait donc des paroles dont la mélodie serait déjà prête ; le poète n'ayant plus qu'à composer selon des mesures pré-établies. Les paroles se chanteraient donc sans avoir besoin d'être mises en musique, celle-ci existant préalablement à celles-là.

Les femmes et le malhoun

Touria Hadraoui
Touria Hadraoui
 Sanaa Marahati
Sanaa Marahati

Les femmes ont toujours été présentes et influentes durant les différentes étapes historiques du Malhoun. Elles ont fortement contribué à son édification et sa préservation (citons à titre d'exemple la grande Cheikha Brika de Fès). Elles étaient poètes, musiciennes et chanteuses, mais faute de mœurs sociales, de coutumes et de médiatisation, elles n'ont pas eu la même chance que les hommes devant cet art musical. Les femmes s'en sont également emparées, l'adaptant avec bonheur à la tessiture de leurs voix. Pensons à la jeune génération de voix comme Asmae Lazrak, Touria Hadraoui, Majda El Yehyaoui, (qui a dépoussiéré l'image vieillotte du style musical).

Originaire de Casablanca, Touria Hadraoui est une des pionnière à interpréter ce genre poético-musical Elle avait mené une carrière d'enseignante, journaliste et écrivain. Cette femme de culture marocaine a consacré sa vie universitaire aux grands philosophes arabes, ma sa première découverte qui l'a marqué fut d'écouter, à l'âge de 9 ans, la voix d'Oum Kalthoum, car elle ne comprenait pas tout ce qu'elle chantait, mais elle lui a ouvert les oreilles, le cœur et l'esprit. Elle a enregistré deux albums "Chemâa" en 1991 et "Arabesques sur rythmes africains" en 2003 où le chant andalou rencontre les rythmes de la mère terre. Elle est également l'auteur d'un roman autobiographique "Une enfance marocaine" paru en 1998 aux éditions Fennec.

Laila Lamrini est une artiste marocaine qui a grandi à Meknès, bercée par la beauté de la musique appartenant au patrimoine des musiques traditionnelles et particulièrement celle du malhoun qu'elle affectionne et chante depuis son enfance. Elle a fait bon usage de ses paroles et de ses musiques, donnant naissance à un chant sophistiqué et élégant. Aujourd'hui, elle figure parmi les meilleures voix féminines représentant ce style qu'elle décrit comme la forme la plus noble au niveau artistique et littéraire, qui est également un symbole d'identité culturelle purement marocain.

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Sanaa Marahati (en arabe: سناء مرحتي) est un brillante interprète de malhoun marocaine. Née en 1983, elle détient un master socio-linguistique et réalise un mémoire de fin d'étude sur "la perception de l'image de la femme dans la poésie melhoun". Sanaa Marahati a marqué sa présence aussi sur les chaines nationales marocaines à travers deux programmes télévisés dédiés au Melhoun (diffusés pendant le mois de Ramadan. Elle a aussi diverses parutions dans des soirées télévisées ( naghma w atay ;chada alhane ;massar ...). Elle publie 5 albums qui obtiennent énormément de succès auprès du label Fassiphone.


La naissance du malhoun

La naissance de ce patrimoine authentique est à chercher dans le Sud marocain, plus exactement dans la région du Tafilalet, à l'époque des Almohades, autour de l'année 1147. Mais il n'a commencé à se développer qu'à partir de l'ère des Saadiens, lorsque des artistes novateurs en ont examiné les mesures et l'on codifié en différents « Surûf », qui sont au Melhoun ce que les taf'ilât sont à la poésie classique. On considère que le premier à s'être consacré à cet art fut le Cheikh Abd el-Aziz el-Maghraoui, qui a désigné le pied métrique sous le terme de « Dân », il est devenu le modèle suivi par les poètes marocains dans leurs compositions. Est apparu après lui le poète el-Masmûdi, qui a lui adopté le mot « Mîli » pour désigner le pied, ce terme ne voulait absolument rien dire mais est tout de même devenu lui aussi un modèle.

Le phare d'où brillait cet art de mille feux étant le Tafilalet, resté jusqu'à présent son berceau le plus prolifique, il n'en reste pas moins que bien d'autres villes ont excellé dans ce genre musical, et n'en sont pas moins devenues aussi importantes que le Tafilalet ; ce sont Marrakech, Meknès, Fès, Taroudant, Asfi (Safi), Salé et Rabat.

 

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Les modes

L'art du Melhoun se joue selon dix modes, nommés :

  • Le Bayati de la musique arabe classique, que l'on nomme Maya pour le Melhoun,
  • Le grand Hejaz,
  • Le Sika,
  • Le Araq el-Ajem,
  • L'Ispahan,
  • Le Hejaz oriental,
  • Le Razd andalou,
  • Le Raml el-Maya taziriya
  • Le Bughiat Raml el-Maya.


Les rythmes sont au nombre de trois :

  • Le Haddari : 4 / 2
  • Le Dridka : 8 / 6
  • Le Gbahi : 8 / 5


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Cette musique habitait le coeur de personne, des amateurs et des créateurs, issues des catégories sociales les plus diverses. Sous l'impulsion des musiciens professionnels et de l'élite cultivée, il a continué à jaillir du plus profond de la société marocaine. L'art du Melhoun est la voix qui a exprimé les préoccupations des marocains, leurs croyances et leurs émotions. Il représente la sédimentation de la mémoire marocaine à travers les âges.

Il est relié à la vie quotidienne des marocains dans leurs heurs et malheurs, il est considéré comme l'auxiliaire artistique et culturel le plus important de la civilisation marocaine. Ses poèmes abordent tous les thèmes : spirituels, intellectuels et autres, sous des formes artistiques de toute beauté, alliant la splendeur des images à celle des mots.

Parmi les thèmes abordés par le Melhoun, on trouve les « Tawassoulât ». Dans les recueils, ce sont des poèmes mystiques, composés par de grands hommes du soufisme tel le théologien Laamiri et Sidi Abdelkader el Alami (que les connaisseurs et férus de Melhoun appellent "Le Philosophe du Melhoun", le Sage), garant de Fès, qui est considéré comme un des plus grands mystiques du Maroc. Il a composé un ensemble de pièces poétiques évoquant le désir de se fondre dans l'essence divine et des poèmes à la louange de l'Elu, que le salut et la bénédiction de Dieu soient sur lui. Ces poèmes, aux images les plus belles qui soient, ont touché la conscience de tous les arabes car ils ont été composés en arabe classique dans un style non moins beau que celui d'un Ibn Faredh ou d'un autre de ses comparses puis mises en musique. Citons la Qasida "Talt B Sidi had Riba o twahcht beaâ hob réhro la ts'hlah" . Sidi Abdelkader El Alami est enterré à Meknès.

Le terme « Tawassul » désigne les poèmes d'invocation dans lesquels l'adorateur se confie avec ferveur à son adoré. C'est un thème poétique qui comprend les poèmes de louange, d'action de grâce, d'invocation et de gratitude envers Dieu, exalté soit-il. Apparaissent également des poèmes de remords, de retour à Dieu et d'imploration du pardon divin, ainsi que toutes sortes d'autres thèmes religieux dans lesquels l'artiste se retourne sur sa vie, pleure ses erreurs et ses faux pas.

  • La louange : Elle peut être religieuse ou mondaine. La première s'adresse au Prophète, à sa noble famille, à ses compagnons, aux saints, mystiques et hommes de Dieu. Quant à la seconde, elle s'adresse aux rois du Maroc et aux grands de ce monde qu'ils soient hommes de religion, nobles, bienfaiteurs ou savants.
  • Les recommandations : Ce sont des poèmes d'exhortation et des poèmes didactiques, les thèmes qu'ils abordent se recoupent parfois avec ceux des « Tawassulât » ; les plus belles pièces étant celles dans lesquelles l'artiste interpelle les gens en général, ou bien une personne particulière à travers laquelle il s'adresse en fait à lui-même.
  • Les « printaniers » : Ce sont de splendides tableaux de la nature, décrivant le plus souvent la luxuriance du printemps. Les pièces renferment beaucoup de noms désignant toutes sortes d'arbres, de plantes, de fleurs et d'oiseaux. Mais si le thème mis en exergue dans ce genre est la description de la nature au faîte de sa magnificence, de sa splendeur, ornée de sa plus belle parure, les poètes qui l'ont traité en ont rarement pour autant négligé l'éclat de la beauté féminine, qu'ils ont rêvé dans des pièces galantes appelées « Ochaqi ».
  • Le « ochaqi » : C'est la poésie amoureuse du Melhoun. Les poètes populaires y ont excellé, décrivant les différents états émotifs engendrés par l'éloignement de l'être aimé, sa rencontre, la séparation, le rendez-vous, les soupirs, les pleurs et la joie.
  • Le « saqi » :Ce sont des poèmes bacchiques qui célèbrent la bonne compagnie, les réunions entre amis, la gaieté suscitée par le vin. Le poète a ici innové et laissé libre cours à son imagination. On trouve dans ce genre des images ravissantes, représentant superbement le rapprochement de la coupe aux lèvres. Evoquant le fait de boire du vin avec vanité, blâme ou bien encore s'en détournant malgré son attrait. Il y a aussi des poèmes dans lesquels le vin n'apparaît que comme symbole mystique, sans qu'il y ait absolument aucun rapport avec la boisson que l'on nomme « vin ».
  • La thrène (el-Rithâ') : Appelée aussi « Azou », le poète y exprime sa douleur, consécutive à la perte d'un être cher, d'un proche, d'un chef patriote, d'un homme de culture, d'un artiste ou d'un héros.
  • La satire (Hajou) : Elle est lancée pour attaquer un traître, un imposteur, un harpagon, mais il constitue aussi un moyen de flétrir les parasites et les plagieurs en règle générale, pour faire apparaître leur faiblesse et leur vice.
  • La « Tarjama » : Humour et moquerie, pouvant parfois dévier vers une forme de racisme. Le poète s'y attaque à la charlatanerie, aux faux devins, à la cupidité et à tous les défauts et pratiques détestables qui laissaient perplexe l'élite cultivée.
Le Chanteur soliste est le personnage le plus important dans l'orchestre du malhûn, les musiciens qui l'accompagnent le suivent discrètement avant de se distinguer dans les réponses instrumentales. Plutôt qu'une belle voix, on exige du chanteur de détenir un répertoire large de qçâyed, de savoir expliciter les phrases chantées et de maîtriser modes et rythmes.
En fin de compte, le Melhoun ne se limite pas seulement à de belles paroles, mises en poèmes à la magie enchanteresse, il est bien plus, avec tout cela, un riche trésor culturel pour la mémoire universelle, maghrébine en particulier ; c'est un livre ouvert qui nous parle des péripéties de l'histoire, un dictionnaire fidèle qui protège la langue du splendide Maghreb.

 

Manifestations de malhoun
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  • Festival de l'art du Malhoun de Fès, organisé annuellement par la commune urbaine de Fès, il vise de manière générale à préserver cet art sublime, en rendant hommage aux figures de proue ayant contribué à la pérennité du Malhoun et assuré sa transmission aux jeunes générations. L'édition 2008 qui a coïncidé avec les festivités marquant le 1200ème anniversaire de la fondation de la capitale spirituelle du Maroc a connu une programmation riche et diversifiée incluant des conférences thématiques et des concerts de groupes de renom venant de différentes régions du Royaume. Cette édition a été marquée par la présentation d'une œuvre académique de Abbas Al Jirari intitulée "le projet scientifique de l'Académie du Royaume du Maroc dans le domaine de l'art du Malhoun" et d'un recueil poétique de sidi Abdelaziz El Maghraoui.
  • Festival Sijilmassa du Melhoun : En 2007, un hommage a été rendu à l'artiste Abderrahmane Selsouli.
  • Les Printemps du Malhoun de Meknès inscrit sa démarche dans l'héritage poétique et musical des maîtres précurseurs de cet art à Meknès. Les Printemps du Malhoun de Meknès ont lieu courant juin.

Thami Lamdaghri ou Mdaghri (mort en 1856) fut un célèbre compositeur marocain de Malhoun

 

A partir du malhoun aussi appelé griha, sont venus se greffer "les textes de la sagesse" de la tarika des Aïssawas, Hmadcha, Samaâ et plusieurs arts qui ont découlé de ce genre poétique. Bien que conçu dans un dialecte très raffiné(arabe classique un peu dialectisée), les thèmes abordés dans le malhoun sont universels car ils sont les thèmes porteurs de l'existence du genre humain et bien qu'il n'est pas resté spécifiquement marocain, il est devenu la mémoire vivante des évènements qui ont marqués notre monde, l'histoire universelle des humains, mais aussi les choses plus cachées du monde de la matière. Il parle de thèmes très actuels comme le racisme, de politique, de l'attention portée aux parents, parle de religion. Le malhoun parle des temps anciens des Arabes et des temps modernes. Le malhoun joue dans ce sens, un rôle pédagogique très important. La première école de malhoun est fondée au début du XVIe siècle à Meknès où il est encore enseigné comme discipline.

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Saïd El Meftahi est l'une des figures de proue et surtout une voix reconnue du Malhoun et du tarab. Installé depuis quelques années en France, il se pose en observateur et chercheur de ce qui se passe d'un côté et de l'autre des rives de la Méditerranée.

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Ahmed Amine Dellaï

Ahmed Amine Dellaï (né en 1954 à Oran) est un chercheur en  poésie populaire et le spécialiste du melhoun. Ses publications sont une référence en la matière. Ce sociologue a travaillé sans relâche sur le Melhoun et a accompli des traductions remarquables de poèmes anciens qui est son thème de prédilection et l'objet de sa passion.

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El Hadj Omar Bouri, poète du malhoun et mélomane à Taroudant

El Hadj Omar Bouri (né en 1940 à Taroudant) est un brillant homme de culture marocain vivant et travaillant à Taroudant. Il est complètement investi dans le travail de l'agriculture et de la boucherie. C'est lui qui approvisionne les étals de la ville. Mais c'est aussi et surtout un Poète du Melhoun qui figure parmi les plus connus dans ce genre. L'homme encourage tous les jeunes de la ville à s'intéresser à tous les registres musicaux, à la musique en général.

Mostefa Ben Brahim connu également sous le nom de Safa fut la gloire de la poésie populaire algérienne dite "melhoun". Son œuvre particulièrement inspirée retentira sur la chanson oranaise telle qu'elle est encore connue de nos jours. Ses textes vont donner du nerf à la poésie bédouine. Ce brillant poète et imam est formé dans la Zaouïa d’Al Mahaja (école coranique), s’imprégna des plus grands poètes du melhoun de la région d'Oran et lors de son exil au Maroc. Dans cet exil, il est influencé par les maîtres et les précurseurs du melhoun, tels le plus ancien poète algérien de melhoun, Lakhdar Ben Khlouf (XVIème Siècle), Ben Msyeb (décédé en 1768, à Tlemcen) et Cheikh Ben Guenoun de Mascara. Sa poésie est chantée par des grands chanteurs Oranais comme, Cheikh Hamada, Abdelkader El Khaldi, Djilali Ain Tedles, Ourad Boumediene, Cheikh El Mamachi, Cheikh Hachmi Bensmir, Cheikh Madani, Ahmed Wahby, Blaoui M'Hamed El Houari, Ahmed Saber, M’Hamed Benzerga, Cheikh Fethi, Cheb Khaled, Cheb Hasni, Cheb Mami, Rachid Taha, Mohamed Mazouzi, Houari Benchenet, Baroudi Belkhada, ainsi que d’autres grands chanteurs en Algérie et à l'étranger.

 

Orchestre de Fès du Malhoun

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Association Mohamed el Fassi  tarab el malhoun  

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Hassan Slimani premier marocain qui compose et chante le Melhoun en Français

Articles connexes

 

 

Sources



Malhun (or Milhûn, in Arabic الملحون) meaning the melodic poem is a Moroccan music that borrows its modes from the Andalusian music. It is a kind of urban, sung poetry that comes from the exclusively masculine working-class milieu of craftsmen's guilds.
The melhun, originally a pure literary creation, emerged as a poetic art today known in Morocco under the name of Qasida (meaning poem) (in Arabic القصيدة) or zajal (in Arabic الزجل). Combined with music, it quickly spread across the country where it acquired fame particularly among artisans. The qassida (laqsida in Moroccan arabic) of the malhun is based on two essential elements: the overtures preceding it and the parts of which it is composed. aqsâm (in Arabic الاقسام) verses sung solo interrupted by the harba refrain (meaning launch) (in Arabic الحربة). Harba, the origin of which goes back to the 16th century, is a refrain taken up between the verses by the sheddâda (group of singers and instrumentalist-singers)(in Arabic الشداشة). Another refrain called dridka in Arabic الدريدكة) is a simplified form of the harba, taking off from an accelerated rhythm to announce the end of a qassida.

The qassida however preserved the division of the text in stanzas as in the Andalusian song: the verse (ghson meaning branch) can include from eight to sixteen verses, a short refrain or harba offers an alternation which makes it possible to break the monotony of the musical discourse of the Malhoun song. This gave rise to the sûruf, subsidiary procedures employed by singers to produce an even greater effect on the audience and above all to correct the rhythm. Abdelaziz al-Maghrawi (16th 17th centuries) created from dân, a word that has no meaning, verses which were used as the basis for versewriting by Moroccan folk poets. (e.g. Dân dâni yâ dâni dân dân yâ dân).

 

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Rédigé par Mario Scolas

Publié dans #melhoun marocain

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M
<br /> AL-MALHOUN DANS LA CULTURE MAROCAINE<br /> « Si le patrimoine culturel, dans son acception la plus étroite, peut être considéré comme un ensemble de symboles et de mouvements nés de l’Histoire, ensemble qui se morcelle en une multitude de<br /> traditions populaires où se côtoient vérité et légende, réalité et imaginaire, celui que cette question préoccupe pressent qu’il est bien plus que cela.<br /> En effet, celui qui examine attentivement le patrimoine culturel du Maroc y trouvera une tradition nouvelle, dont la genèse remonte loin dans le temps, confluence des nombreux événements qu’a vécu<br /> ce pays; une tradition qui, si elle montre quelque signe d’affaiblissement, ne tire pas moins sa source d’une grande variété de cultures et civilisations; une tradition capable de relever les défis<br /> lancés par chaque époque, par les problèmes dans lesquels l’être humain se débat aujourd’hui.<br /> Nous, Marocains, jouissons du patrimoine le plus riche de toute la région: des habitudes et traditions les plus diverses, différentes selon chaque région du Maroc, passant par la cuisine, le<br /> costume, les us et coutumes, jusqu’à la poésie et l’art de la parole qui sont considéré tous deux comme la chronique relatant la vie de ce pays. Lorsque nous évoquons la poésie du Maroc, nous ne<br /> pouvons omettre de citer l’école des origines, toujours vivante aujourd’hui ; oasis ombragée qui apparaît du plus loin dans le désert ; l’école qui a donné toute sa créativité au Maroc ; l’arbre<br /> aux fruits abondants qu’est le Melhoun.<br /> Notre art du Melhoun ne se résume pas à de la poésie exprimant des sentiments, il est la mémoire qui a construit l’histoire du Maroc, c’est lui qui a instruit ses enfants, qui a appelé les<br /> Marocains à s’attacher à tout ce qui est beau. Il est aussi la seule forme d’art – je dis bien la seule – qui a joué à la perfection le rôle de trait d’union entre le passé et le présent de notre<br /> peuple, que ce soit sur le plan de l’espace ou des différentes cultures; il reste apte à construire le Maroc d’aujourd’hui, grâce aux sagesses véritables transmises par ses poèmes.<br /> Il est tout cela et plus. Sa conservation ne doit pas consister à le placer dans un musée et à l’exposer comme s’il représentait tout ce qui nous reste du passé. Nous devons bien plutôt le<br /> considérer comme le point de départ d’un parcours intellectuel reliant les différentes époques, parcours caractéristique du Maroc. Il ne nous est pas permis d’arrêter la marche du Melhoun en ce<br /> début du XXIe siècle.<br /> Nous ne voulons pas d’une nouvelle époque qui résoudrait nos seuls problèmes matériels mais stopperait dans sa course un mouvement intellectuel qui a consigné l’histoire entière du Maroc. La<br /> conservation du Melhoun est un devoir pour quiconque est épris de créativité, de vérité et de beauté et tout un chacun est concerné. En tout premier lieu les créateurs, les humanistes amoureux de<br /> littérature.<br /> Je ne voudrais pas me montrer pessimiste sur l’avenir de la musique mais les données du réel parlent d’elles-mêmes. Comparons les soirées d’antan, les fêtes où ne s’entendaient que les formes les<br /> plus raffinées du chant, des mélodies qui nourrissaient l’âme et enchantaient l’esprit, des instrumentations inventives, composées par de véritables créateurs, avec ces genres musicaux qui nous<br /> sont venus pour saccager le bon goût unanimement partagé jusque là. Certaines instances du marché mondial les ont adoptés, convoitant de simples profits matériels. Ce sont ces formes dégénérées qui<br /> ont remplacé le véritable art musical et font office désormais d’étalon du bon goût. Nous en sommes arrivés aujourd’hui au point que lorsqu’un artiste authentique exécute une jolie mélodie au<br /> rythme balancé, seuls l’élite et les initiés sont à même de l’apprécier ; les autres attendent ce qui suivra, ce qui s’adressera directement à leurs membres et à leurs organes, à leur instinct sous<br /> sa forme la plus primaire, avec des mélodies qui n’ont de mélodies que le nom et des paroles qui n’en sont pas, avec des refrains sauvages qui font le corps se remuer mais laissent l’âme<br /> parfaitement indifférente.<br /> - Certains genres musicaux du Maroc :<br /> Le Maroc, pays splendide, est riche de ses cultures populaires, en particulier sur le plan musical. Cette richesse revient essentiellement à la diversité de ses traditions d’une région à l’autre et<br /> sur leurs influences mutuelles. C’est ce qui donne aux arts de ce pays une dimension esthétique spécifique, qui caractérise seul les peuples qui se sont abreuvés à la source de civilisations<br /> millénaires.<br /> Nous allons ici œuvrer à mettre à la portée du lecteur certains genres musicaux du Maroc, même succinctement. Notre but, qui est de présenter l’art du Melhoun en particulier ne nous empêche pas de<br /> donner un aperçu rapide des principaux genres musicaux traditionnels du Maroc, tous riches de leurs rythmes et de leurs thèmes. Nous citerons:<br /> A. La musique tachelhit (chleuh) de l’Anti-Atlas, dans le Sud marocain. Elle se caractérise par une poésie magnifique, qui a joué un rôle d’avant-garde pour résoudre un certain nombre de problèmes<br /> sociaux de cette région. Au niveau musical, elle est riche de ses rythmes et mélodies splendides, qui offrent au chercheur un domaine d’investigation fertile à explorer. On y découvre des joyaux,<br /> tant dans le domaine musical que littéraire.<br /> B. La musique tamazight, du Moyen-Atlas. Elle comporte des formes chantées aux rythmes et mélodies caractéristiques. La technique vocale est également spécifique.<br /> C. La musique tarifit (rifaine) de la chaîne des monts rifains. Ses rythmes lui sont propres, avec des chants individuels et collectifs. Les danses y suggèrent le combat, l’attachement à la patrie<br /> et la grandeur.<br /> D. La magnifique musique hassani, fille du Sahara du Sud du Maroc. La force de ses poèmes, abordant les problèmes de l’homme sahraoui, ses coutumes et traditions, est accompagnée d’une musique<br /> puissante aux rythmes caractéristiques.<br /> E. La musique dite Aïta se subdivise en quatre genres qui sont : La Aïta jabaliyya (montagnarde) du Nord du Maroc, la Aïta marsaouiyya de la région des Chaouiya, la Aïta de la Hasba dans la région<br /> des Abda et enfin la Aïta haouziyya de la région de Marrakech.<br /> Sans compter bien sûr, en sus de tous ces genres, la musique andalouse dont les Marocains ont hérité de la civilisation arabo-musulmane d’Andalousie et qu’ils ont marqué de leur sceau authentique.<br /> Elle a transité par les zaouïas soufies, ainsi que d’autres formes musicales qui ont commencé à se développer à cette époque.<br /> Le Maroc est également riche de son folklore, source à laquelle se sont abreuvées les musiques populaire et moderne.<br /> Parmi les genres connus, nous est arrivé des confins de l’Afrique noire le folklore des Gnawas, à l’époque de notre souverain Ismaël ; on trouve aussi le "hamdouchi", le style du Touat, le<br /> "aïssaoui" et bien d’autres, authentiquement marocains; ils ont tous eu une influence dans la cristallisation du genre qui représente la quintessence de l’art musical marocain : il s’agit du<br /> Melhoun.<br /> De nombreux termes génériques ont été utilisés pour désigner le Melhoun. On trouve : "Qarîdh", la "langue", les "paroles", le "nidhâm", la "poésie", "l’âme", la "science du génie" et enfin le<br /> Melhoun.<br /> On pense que ce dernier terme dérive de la racine « lahn », qui signifie mélodie ; malhûn désignerait donc des paroles dont la mélodie serait déjà prête ; le poète n’ayant plus qu’à composer selon<br /> des mesures pré-établies. Les paroles se chanteraient donc sans avoir besoin d’être mises en musique, celle-ci existant préalablement à celles-là.<br /> -Voyons maintenant comment ce genre est apparu.<br /> La naissance de ce patrimoine authentique est à chercher dans le Sud marocain, plus exactement dans la région du Tafilalet, à l’époque des Almohades, autour de l’année 1 147. Mais il n’a commencé à<br /> se développer qu’à partir de l’ère des Saadiens, lorsque des artistes novateurs en ont examiné les mesures et l’on codifié en différents "Surûf", qui sont au Melhoun ce que les taf’ilât sont à la<br /> poésie classique. On considère que le premier à s’être consacré à cet art fut le Cheikh Abd el-Aziz el-Maghraoui, qui a désigné le pied métrique sous le terme de « Dân », il est devenu le modèle<br /> suivi par les poètes marocains dans leurs compositions. Est apparu après lui le poète el-Masmûdi, qui a lui adopté le mot « Mîli » pour désigner le pied, ce terme ne voulait absolument rien dire<br /> mais est tout de même devenu lui aussi un modèle.<br /> Le phare d’où brillait cet art de mille feux étant le Tafilalet, resté jusqu’à présent son berceau le plus prolifique, il n’en reste pas moins que bien d’autres villes ont excellé dans ce genre<br /> musical, et n’en sont pas moins devenues aussi importantes que le Tafilalet ; ce sont Marrakech, Meknès, Fès, Taroudant, Asfi, Salé et Rabat.<br /> -L’art du Melhoun se joue selon dix modes, nommés:<br /> - Le Bayati de la musique arabe classique, que l’on nomme Maya pour le Melhoun,<br /> - Le grand Hejaz,<br /> - Le Sika,<br /> - Le Araq el-Ajem,<br /> - L’Ispahan,<br /> - Le Hejaz oriental,<br /> - Le Razd andalou,<br /> - Le Raml el-Maya taziriya et<br /> - Le Bughiat Raml el-Maya.<br /> Les rythmes sont au nombre de trois :<br /> - Le Haddari : 4 / 2<br /> - Le Dridka : 8 / 6<br /> - Le Gbahi : 8 / 5<br /> Cette musique habitait le cœur de personnes, des amateurs et des créateurs, issues des catégories sociales les plus diverses. Sous l’impulsion des musiciens professionnels et de l�<br /> <br /> <br />
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M
<br /> AL-MALHOUNE DANS L’HISTOIRE MUSICALE MAROCAINE :<br /> <br /> "Il ne fait aucun doute que le malhoun nous livre, à travers ses chantres, la plus élaborée des formes de versification en arabe dialectal marocain et par la même occasion, un imposant corpus de<br /> poèmes et de chants conservés et véhiculés par une double tradition orale et de manuscrits.<br /> Ce que l'on retient surtout, c'est qu'en plus des prouesses métriques et poétiques, il y a une référence à une culture populaire complexe où coexistent le religieux, le profane et le<br /> fantastique.<br /> Le poète du “Melhoun” doit continuellement reproduire l'équilibre entre le populaire et le savant ; d'abord en puisant dans tout ce que nous a légué la mémoire collective de la société, ensuite en<br /> embrassant la complexité poétique et en utilisant tous les éléments d'une rhétorique et d'une imagerie séculaire.<br /> L'ambiguïté du terme malhoun fonde l'opposition entre deux conceptions étymologiques : la même racine trilitère L.H.N. peut générer lahn (mélodie) et lahn (écart par rapport aux normes<br /> grammaticales et de déclinaison).<br /> S'élevant contre ce dernier sens à la connotation dépréciative, le regretté Pr Mohamed El Fassi considère que le malhoun est un poème destiné à être chanté et donc à être habillé en musique, c'est<br /> une mise immédiate en mélodie.<br /> D'ailleurs, le poète s'appuie sur les canevas mélodiques pour produire son texte, il est normal qu'il fredonne sa mélodie en forçant l'inspiration. Quant au Dr Abbas El Jirari, il fit remarquer<br /> qu'un bon nombre de “qçaïd” ont été destinées à la récitation simple et n'ont jamais été chantées; malhoun signifie par contre un certain écart vis-à-vis de la norme classique.<br /> Pour A. Jirari, la relation entre la versification et la mélodie n'est pas déterminante. En fait, les deux conceptions ne font qu'encadrer la question sans la cerner, elles peuvent se compléter et<br /> se combiner pour une meilleure approche. Il est vrai que le malhoun est, par beaucoup d'aspects, une variance, une inflexion des règles classiques, néanmoins il n'est pas le fruit d'une ignorance,<br /> mais un jeu délibéré des poètes. D'ailleurs certains poètes du malhoun écrivent dans les deux registres de la poésie classique et du malhoun : “Nous pouvons citer à titre d'exemples : Mohamed<br /> Benslimane et Si Thami Lamdaghri, le Sultan Moulay Hafid. Plus encore, le caractère délibéré du “Lahn-écart” est valorisé par l'image populaire rendu à certains poètes illettrés et non des moindres<br /> (Sidi Qaddour Al Alami et Jilali Mtired).<br /> D'autre part le côté chantant de la poésie est inévitable comme d'ailleurs dans toute la poésie anté-islamique. Le poète du malhoun, illettré ou pas, ne fait généralement pas usage de l'écriture<br /> pour composer, ni pour consigner ses productions. La créativité est, en effet, considérée comme une inspiration, une révélation. On peut même suspecter le prétendant poète quand il n'improvise pas<br /> ou quand il se croit obligé de consigner par écrit ses poèmes.<br /> Ce qui permet justement l'éclosion de l'inspiration, c'est une large diffusion qui a toujours été faite de la culture populaire, de la sagesse et du fond épique de la société. L'hétérogénéité des<br /> sources fait qu'on utilise à différents niveaux un lexique arabe dialectisé, la reprise des éléments classiques de la rhétorique et de certaines images poétiques, le parler local, l'usage d'argots<br /> et de langages codés, les emprunts aux langues étrangères ainsi que le répertoire des contes et des mythes (hikayât et azaliyât), et le corpus des soufis à commencer par “Les indices des grâces<br /> prophétiques”.<br /> Les origines du malhoun se perdent avec les premières manifestations du “zajal”, les premiers chanteurs ambulants, les premiers “meddahîn”, ceux qui justement étaient appréciés pour leurs<br /> panégyriques et leur récitation des histoires coraniques perpétées et augmentées par l'imagination populaire. Des points de repères nous permettent pourtant de jalonner ce temps du malhoun,<br /> d'élucider ses lois et sa constitution.<br /> La première mention du terme malhoun selon Abbas El Jirari (al qaçida, 1969, p. 54) nous vient d'un poème de Mohamed Ben ‘Ali Bou'mar (en 1519) : “Notre malhoun est une lampe éclairant le noir et<br /> ne manque à aucune demeure”.<br /> Le centre premier du malhoun est, de l'avis des spécialistes, la région du Tafilalet. De là sont issus les ténors, les grands poètes qui, en émigrant vers les grandes villes du Maroc, permirent au<br /> malhoun de rayonner et de se développer avec le soutien d'un corps d'artisans et de métiers d'art mais aussi avec le contact des arts citadins. La rencontre du malhoun avec le “zajal” andalou, le<br /> “mouwashah” et la poésie classique le fit progresser peu à peu : il développa de nouveaux thèmes, de nouveaux mètres et rythmes et une versification savante et riche. La langue du malhoun<br /> investissait le champ de l'ornementation et du vocabulaire recherché. Cette tendance fut accentuée par l'intérêt porté au genre par des lettrés et des érudits citadins.<br /> Un substrat social et une décision du travail pérennisaient la pratique du malhoun: le poète n'écrivant pas ses propres poèmes, il s'appuyait su un compagnon “rawi” (rapporteur sachant écrire), sur<br /> un “khazzan” (conservateur et archiviste) et un “mounshid” (chanteur).<br /> L'âge d'or du malhoun commence avec Abdelaziz Al Maghrawi surnommé à juste titre l'arbre de la parole. Depuis ce grand poète du XVIème siècle, plusieurs générations de poètes ont assuré<br /> l'accumulation d'un savoir métrique et thématique et forgé un vocabulaire spécial. La liste des poètes comme celle des “qçaïd” sont impressionnantes. Déjà en 1970 on en recensait grossièrement<br /> quelque cinq mille.<br /> Traitant de tous les thèmes poétiques courants, les “qçaïd” retrouvent grosso modo quatre catégories de thèmes : la foi et ses multiples dimensions, la “jalsa” et la dimension ludique, les thèmes<br /> sociaux ainsi que les thèmes relevant les aspects documentaires, historiques et politiques. On connaît généralement les “qacida asshaqi” (d'amour) Fatma, Ghita etc., on connaît peu les poèmes<br /> relatant l'histoire politique comme celle où Wald Rzin a rapporté l'expédition de Napoléon en Egypte (al qacida al Misriya) ou encore celle de Driss Lahnash concernant la guerre maroco-espagnole de<br /> Tétouan en 1859 ou toutes les “qcaïd” divinatoires appelées “Jafriyat” qui sont en fait un mélange de satire et de prévisions politiques et sociales et la qcida (voir Laâmiri et Al Mouaqqit de<br /> Marrakech. “Asoubhan Allah” reprise par Nass El Ghiwane.<br /> Pourtant, le personnage désormais au devant de la scène n'est plus le poète mais le chanteur. A l'époque contemporaine, des artistes de la trempe de Haroushi, Bouzoubaâ père, Benghanem, Guennoun,<br /> Toulali, Boucetta, valent autant par leurs qualités artistiques que par l'étendue de leur répertoire et les textes qu'ils ont la charge d'expliciter.<br /> L'évolution vers le spectacle ne sert malheureusement pas le malhoun qui est un art du sens et du texte. Ce trésor, plusieurs fois séculaire, est menacé car le substrat social qui le soutenait voit<br /> ses liens se distendre, et le passage au divertissement auquel sont condamnés les arts traditionnels ne peut en aucun cas nous rassurer. Il est demandé aux dépositaires de ce corpus, de cette<br /> magnifique récitation modulante, de s'investir dans la qualité et de continuer leur mission".<br /> (Etude faite Par Ahmed Aydoun)<br /> <br /> <br />
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G
<br /> QUELLE RECHERCHE ! FELICITATIONS ! A CE PROPOS PEUX-TU ME TOUVER UNE VRAIE DANSE DU VENTRE AVEC LES PIECES, POUR UN COPAIN QUI A UNE CERTAINE NOSTALGIE ? MERCI ET ENCORE BRAVO !<br /> <br /> <br />
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L
<br /> <br /> Merci Geneviève, c'est une poésie, et une tradition musicale également...j'ai brossé le tour du sujet sur un seul article que j'ai compilé...Pour la danse du ventre, ce n'est pas un tradition du<br /> Maroc....Même si cela se pratique dans les cabarets de prostituées pour les hommes...Tu ne verras jamais de danse du ventre dans un concert....Il faut voir les pays du Moyen-Orient, pas ceux du<br /> Maghreb !<br /> <br /> <br /> <br />
O
<br /> La poésie arabe n'est malgré tout pas restée figée. La confrontation des Arabes bédouins avec les autres peuples au cours de l'histoire, comme la culture raffinée des Perses, ont ouvert la voie à<br /> l’évolution. Cette dernière a d’ailleurs été polémique, le reproche étant la dénaturation supposée de la culture poétique arabe à la suite de ces contacts culturels. L'affaiblissement du centre<br /> s'est d’abord traduit par la libération de l'Andalousie qui s’est soustraite à la tutelle arabe avec, notamment, une nouvelle forme de poésie strophique appellé muwashshah, préférant ainsi<br /> l'alternance des rimes et des rythmes sur celle de la métrique monorime des Anciens. Par ailleurs, issue d'une histoire particulière, la poésie arabe s'est scindée entre poésie dite savante et<br /> poésie populaire, lorsque le centre a progressivement perdu son monopole sur la création poétique. Mais la poésie entretient aussi des affinités avec les autres formes d’expressions<br /> artistiques.<br /> <br /> Ainsi les poêmes mélodiques melhoun ou qasida du Maroc mêlent chant et musique tout en renouvelant la richesse de la culture populaire. Mais ces différentes manifestations n'empêchent pas les<br /> normes universelles de la poésie arabe de l' adab, pris dans le sens de littérature, de se fixer à la fin du 19e siècle. Puis, au cours de la première moitié du 20e siècle, on assiste à une<br /> révolution de la poésie arabe par la rupture avec la métrique classique au profit du vers libre. Initié par Badr Shakir al-Sayyab en 1947 avec le poème "Hal kana hubban ?" dans le recueil Azhâr<br /> dhâbila (Fleurs fanées), ainsi que par Nazik al-Mala'ika, la poésie arabe moderne a trouvé ses meilleurs représentants en Abd al-Wahhab al-Bayyati ou encore Ahmad Mu'ti Hijazi.<br /> <br /> <br />
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O
<br /> Avec l’affaiblissement des tribus, la poésie a ensuite rejoint le centre impérial, Damas puis Bagdad, au 2e et 3e siècle de l'hégire pour se mettre au service du Prince. Sa nouvelle fonction<br /> sociale l’a alors poussé à courtiser les puissants pour acquérir leurs faveurs, ou chercher la protection d'un puissant mécène dont il se faisait le panégyriste. Le poète s'individualise ensuite à<br /> mesure que la civilisation s'urbanise.<br /> <br /> Ne pouvant s'extraire de son humble condition qu'avec la prospérité et les largesses du maître auquel il prête ses services, il recherche le soutien des personnages influents de la scène<br /> littéraire. La vie de courtisan le confine dans un rôle où ses droits et ses devoirs sont définis. Devenu le gardien des rites, il se réclame de la culture qu'il tend à véhiculer. Cette condition<br /> sociale du poète éclaire en partie la continuité de ton de la littérature arabe, le poète ne pouvant condamner l'ordre social duquel il dépend. Tout homme de lettres audacieux doit en effet mener<br /> d'âpres luttes au sein du cénacle pour se faire reconnaître des grands comme des pairs, qui fixent par consensus l'avancement des carrières. Le poète doit entrer en lice avec les nombreux rivaux<br /> qui peuplent la capitale, et se livrer aux joutes verbales pour attirer l'attention. Cependant la diatribe à ses règles et l'art de la rhétorique doit se conformer à ce que Ibn Khaldoun appellait<br /> l'uslub.<br /> <br /> <br />
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