Khanfor el Ghayyati, le melhoun dans toute son authenticité
Publié le 2 Septembre 2009

Comme la plupart des traditions musicales populaires du Maroc, la Taqtuqa el-Jabalya ne semble pas avoir d'origine précise historiquement attestée, sa vague actuelle apparaît à l'époque moderne liée à la diffusion radiophonique lorsqu'elle fait l'objet de certaines émissions par la station régionale, peu avant la Seconde Guerre mondiale. On peut compter khanfour el-Ghiyati parmi les célébrités de l'époque. Dans la Taqtuqa el-Jabalya, on évoque souvent le saint Moulay Abdesslam Ben - Mchich.
D'après Frédéric Calmès, Haj Mohamed el Ghayyati (1886-décédé en juin 1971) est connu sous le nom de khanfor el Ghayyati. Son orchestre était spécialisé dans la pratique de l'art de taqtouqa mais étaient aussi d'excellents joueurs de melhoun et du répertoire Hamadcha. Cet orchestre ce distinguait par la présence exclusive des guembri sans violon ni oud, sans doute fidèle aux formes anciennes du style. On retrouvait dans cet orchestre trois des quatre membres qui composent la famille des guembri a savoir la basse hajouj (utilisée par les Hamadcha), le ténor fakhar (qui a pour ainsi dire disparu), l'alto souisen (melhoun). Reste le soprano qu'ils ne jouaient pas et qui a disparu.

Les Jbala comme leur nom l’indique, sont les « montagnards » ou « les habitants des montagnes ». Ce nom qui se réfère plutôt à la géographie qu’à un aspect ethnique donné, est passé pourtant pour une identité culturelle parce qu'il n y a aucune autre population appelée « Montagnards » au Maroc. La langue et d'autres aspects culturels indiquent que l’aire jeblie s’étend de l’Atlantique aux environs de Taza et de l’oued Ouergha à la Méditerranée.
A l’origine d'après la toponymie et le lexique jebli, la région était peuplée par des tribus andalouses qui parlaient une langue plus ancienne que les dialectes d’aujourd’hui. La proximité de l’Europe a fait que des populations d'origines ibériques s’étaient installées dès la Protohistoire dans la région. Il existait aussi un population locale antérieure à l’arrivée des Andalous qu'on appelle des Ibéro-maurusiens qui sont peut-être les premiers habitants du Maroc. Occupant une position stratégique, la région de Jbala a été un point de rencontre de plusieurs courants culturels et humains (les Phéniciens, les Puniques, les Latins, les Ibères, les Romans, les Amazighs, les Arabes d’Andalousie). Ces différents apports ont contribué à façonner l’identité culturelle jeblie.
Les Jbala furent arabisés assez tôt semble-il, c’est pourquoi leur parler comporte de nombreux mots arabes très anciens et conserve des prononciations anciennes pour certaines lettres (comme le Qaf ou Djim). Par contre leur parler a conservé des sons que l'on ne trouve que dans les langues latines comme le "P". L'arabisation fut accélérée avec les Idrissides qui y ont trouvé refuge après le déclin de leur dynastie, tout comme les arabes d’Andalousie à partir du XVe siècle.
Bien qu’il existe des villes à la périphérie de la région, les Jbalas n'en sont pas les fondateurs. Ainsi, dans des villes comme Tétouan (fondée par des Arabo-andalous), Tanger, Chefchaouen, Larache, etc, le terme jbala s'applique aux paysans, pourtant une grande partie de la population de ces villes est d'origine jeblie.
Le terme Jbala peut posséder une connotation péjorative (paysans, "plouc"...) d'où une certaine recalcitrance à dévoiler ses origines chez certains Jeblis. Cependant, ils sont souvent trahis par leur accent particulièr. Cet aspect péjoratif a été véhiculé par les habitants des villes (bourgeoisie arabo-andalouse). La réhabilitation politique des zones nord après la disparition de Hassan II a toutefois contribué à réhabiliter cette culture.