Alexandre Arcady et le mythe du Bon ou du Mauvais musulman
Publié le 12 Avril 2010
L'Union sacrée est un film d'Alexandre Arcady sorti en 1989.
Synopsis
Simon Atlan, jeune flic juif pied-noir inspecteur de la brigade des Stups, et Karim Hamida, son lieutenant musulman de la DGSE sont coéquipiers depuis peu. Après quelques accroches, ils se nouent peu à peu. Ils ont pour mission d'arrêter Radjani, dealer mais aussi membre de l'Ambassade Arabe. Karim décide de se joindre à la communauté de Radjani. Quand celui se rend compte de son identité, il fait abattre Lisa, ex-femme de Simon, dont Karim était tombé amoureux. Fou de rage, les deux policiers veulent se venger et font exploser la voiture de Radjani. Même si Karim et Simon ne s'entendent pas du tout, ils devront faire l'"union sacrée". Cette union les mènera à une grande amitié.
Le mythe du Bon ou du Mauvais musulman
L'Union sacrée souvent rediffusé à la télévision, est un film stéréotypé et démagogique qui oppose grossièrement :
- « bons musulmans » (policiers / fils de harki / méprisant les dogmes et les pratiques islamiques mais croyant tout de même au « vrai islam » – sorte de mysticisme républicaniste autorisant la consommation de porc et d’alcool / amateur de Victor Hugo et ignorant la langue arabe, mais toujours prêt à préparer du thé à la menthe pour les gentils blancs qui veulent bien le fréquenter...) - Le personnage du « bon arabe » est une caricature insupportable : un certain « Kada » employé subalterne dans un restaurant, que tout le monde appelle bien sûr par son prénom malgré son grand âge (ces gens-là n’ont-ils pas droit à la retraite ?), soumis, toujours la tête baissée, répondant constamment « oui-oui » à toutes les injonctions faites par ses patrons. Cette imagerie exclusive (nulle place dans ce film pour un « pratiquant gentil », qui refuserait d’être maltraité par ses patrons) contribue donc à forger une représentation figée de l’altérité musulmane : des « bons » (forcément « assimilés », et qui plus est, forcément par le bas) et des « mauvais » musulmans (pratiquants, et de ce fait forcément dangereux et sournois)
- « mauvais musulmans » (pratiquant l’islam / Iraniens parlant l'arabe entre eux / fiers de leurs origines et trafiquants de drogue, islamistes, antisémites, sexistes,...) - Le procédé est aussi simple que redoutable : le stéréotype raciste (« les musulmans pratiquants sont potentiellement dangereux ») est réactivé en mêlant des caractéristiques qui ne sont gênantes que pour des racistes (être fier de ses origines, savoir parler l’arabe, refuser de boire de l’alcool) à des caractéristiques effectivement ignobles (être antisémite, sexiste, assassin).
Les manœuvres caricaturales d'Arcady ont forcément des conséquences sociales, politiques et humaines en véhiculant les mêmes messages de la paranoïa américaine qui n'hésite pas de montrer le musulman ridiculisé et dénigré gratuitement.
Depuis la chute du Mur de Berlin, en 1989, puis après le 11 septembre 2001, les amalgames, la stigmatisation et la propagande du choc des civilisations occupent le terrain, masquant opportunément les injustices et les responsabilités. Cependant, tous les Européens, tous les Français, nos concitoyens, ne confondent pas fanatisme et islam, malgré les préjugés et le matraquage médiatico-politicien, qui ne sont plus l’apanage du délire des sinistres adeptes de l’extrême droite.
L'islamophobie est ancienne, elle date de quatorze siècles, depuis l’avènement de la troisième religion du Livre. Cependant, en cette époque, elle prend des proportions alarmantes.
Ce film du passé devrait ouvrir la réflexion et donner le challenge à une nouvelle génération de cinéaste sur une note positive en incitant les spectateurs à la réflexion active sur les fruits de la propagande véhiculée au niveau historique dans le cinéma.
Fiche technique
- Réalisateur : Alexandre Arcady
- Producteur : Alexandre Arcady
- Producteur exécutif : Robert Benmussa
- Producteur associé : Jean-Bernard Fetoux
- Co-production: Alexandre Films, S.G.G.C et FR3 Films Productions
- Scénario : Alexandre Arcady, Daniel Saint-Hamont, Pierre Aknine
- Musique : Jean-Jacques Goldman et Roland Romanelli
- Theme de Lisa : Paroles et musique : Jean Jacques goldman , Interpreté par Jean jacques goldman
- Brothers : Ecrit par Michael Jones , Interpreté par Carole Fredericks
- Directeur de la photographie : Robert Alazraki
- Cadreur : Yves Agostini
- Montage : Joele Van Effentere et Anne-Marie Leduc
- Ingenieur du son : Alain Sempé
- Ingenieur du mixage : William Flageollet et Jean-Paul Loublier
- Réalisateur deuxième équipe : Marc Angelo
- Date sortie : 15 mars 1989
- Genre : Policier
- Durée: 122 min environ
Distribution
- Richard Berry : Karim Hamida
- Patrick Bruel : Simon Atlan
- Claude Brasseur : Le colonel Revers
- Bruno Cremer : Joulin
- Marthe Villalonga : Blanche Atlan
- Thierry Beccaro : Santoni
- Corinne Dacla : Lisa
- Saïd Amadis : Ali Radjani
- Lucien Layani : L'oncle Jacob
- Hammou Graia : Mouloud
- Roger Hanin : Léon Atlan (photo)
- Alexandre Aja : Le garçon au skate
- Amidou : Le Kabyle
- Mouss Diouf : Un homme de main du Kabylle