Publié le 26 Janvier 2015
Il s’agit ici de commenter la citation d’Epictète (« Ne sais tu pas que la source de toutes les misères du monde, ce n’est pas la mort, mais la crainte de la mort ») en partant d’une présentation concernant Epictète puis une analyse de compréhension générale pour ensuite examiner sa pertinence par rapport aux soins en milieu hospitalier. Devraient en découler des conclusions pratiques quant au respect de la dignité humaine dans les relations avec des patients confrontés à des situations particulières.
Epictète est un philosophe de l’école dite « stoïcienne » ayant vécu aux 1er et 2nd siècles de notre ère. Ses enseignements étaient fortement axés sur l’éthique. Il est par ailleurs considéré comme l’un des précurseurs des thérapies cognitives dont le principe de base peut être résumé par cette autre citation qui li est attribuée: « Ce ne sont pas les choses elles-mêmes qui nous troublent, mais l’opinion que nous nous en faisons ».
La citation d’Epictète peut paraître exagérée dans a mesure où elle désigne la crainte de la mort comme la source de toutes les misères du monde. On objectera qu’il y a d’autres sources de misère dans le monde, parmi lesquelles la famine, la guerre, les catastrophes naturelles nous viennent immédiatement à l’esprit. Néanmoins, la mémoire collective de ces évènements et à fortiori leur vécu ne font qu’attiser la crainte de la mort.
La pérennité de cette citation est due à un trait fondamental de la nature humaine : Ce qui nous distingue de l'animal, c'est la conscience de notre finitude, conséquence directe de notre pensée. Surtout chez l'homme occidental, la mort ou la finitude des choses crée un malaise qui tourne parfois à l'obsession. L'homme civilisé aime les choses claires, logiques, certaines, et a peur de ce qu'il ne connaît pas. Etant donné que personne ne sait affirmer et expliquer clairement ce qui se passe après la mort, nous en avons peur.
Par ailleurs, alors que la citation date d’une époque où la mort était plus présente que dans nos sociétés occidentales contemporaines, l’on pourrait affirmer qu’elle a paradoxalement acquis davantage de pertinence du fait même de l’abstraction que nous sommes constamment tentés de faire de la mort dans le confort et la longévité dont nous sommes de plus en plus nombreux à bénéficier.
La crainte de la mort peut devenir pire que la mort elle-même si elle hante notre vie au point de nous empêcher d’en profiter. Et moins on profite de la vie, plus la crainte de la mort devient virulente, car nous sentons que nous passons à côté de la vie et qu’en quelques sorte, nous mourrons avant de mourir, nous nous enterrons vivants. C’est à ce cercle vicieux que s’attaque la citation d’Epictète, à cette misère métaphysique et psychologique.
Cette crainte peut se voir exacerbée lorsque l’on est hospitalisé ou l’on intègre une maison de repos. La mort, si soigneusement « évacuée » de notre quotidien, y paraîtra plus présente, voire oppressante. Fort est à parier que les personnes vivant dans l’angoisse de la mort en temps normal vivront plus mal cette situation que celles ayant plus de facilité à vivre pleinement.
Que faut-il en déduire pour les soins en milieu hospitalier ou en maison de repos?
D’une part, il faudra être attentif à l’angoisse exprimée par le patient face a la crainte de la mort, dû a sa maladie ou à son sentiment que l’hôpital ou la maison de repos sont des lieux liées a la mort, tout en réalisant que la situation d’hospitalisation peut exacerber un sentiment déjà fort ancré en la personne. L’écoute permettra de distinguer s’il s’agit de craintes liées directement à la pathologie ayant amené l’hospitalisation, ce qui à priori semble « normal », où si ses causes sont plus diffuses. La distinction entre les deux cas ne sera peut-être pas toujours aisée. Mais elle pourra ceux qui parviennent à la déceler à conforter le patient.
Cependant, pour des patients atteints d’une pathologie grave, voire létale, une autre approche s’imposera, visant à l’accompagner, si possible avec l’aide de ses proches, dans cette fin de vie tout en lui offrant tout le réconfort possible tant du point de vue médical que psychologique.
Dans les deux cas, le respect de la dignité humaine sera au cœur de nos préoccupations.
Yassine El Bachari ©