Le cinéma tunisien possède quelques chefs d'oeuvre internationaux avec des films comme Signe d'appartenance de Kamel Cherfi (réalisateur franco-tunisien), qui obtient le premier prix de la Mostra de Venise, Halfaouine, l'enfant des terrasses et Un été à La Goulette de Férid Boughedir, Les Ambassadeurs de Naceur Ktari, Les Silences du palais de Moufida Tlatli, Essaïda de Mohamed Zran et plus récemment Satin rouge réalisé par Raja Amari.
Le cinéma existe en Tunisie depuis son apparition. Dès 1896, les frères Lumière tournaient des vues animées dans les rues de Tunis. En 1919, le premier long-métrage réalisé sur le continent africain, Les Cinq gentlemen maudits de Luitz-Morat, est tourné en Tunisie. En 1966, le premier long métrage tunisien (95 minutes) en noir et blanc est réalisé et produit par Omar Khlifi : Al-Fajr (L’Aube) tourné en 35 millimètres.
En 1927, la première société tunisienne de distribution de films, TUNIS-FILM, débute ses activités. Après l’indépendance du pays, la production des films dépend entièrement de la Société anonyme tunisienne de production et d'expansion cinématographique (SATPEC) qui s’occupe de la gestion de l’activité cinématographique dans le pays. Néanmoins, dans les années 80, on assiste à l’émergence du secteur privé qui entraîne la liquidation de la SATPEC.
En 1946, le premier ciné-club de Tunis est créé, et la même année apparaissent les Studios Africa du français Georges Derocles, avec 30% de participation tunisienne, première infrastructure industrielle de cinéma en Tunisie. Plus tard, en 1949, soit sept ans avant son indépendance politique, la Tunisie était déjà l'un des pays du continent africain qui possédait le plus grand nombre de ciné-clubs. Tahar Cheriaa, président de la Fédération des Ciné-Clubs, deviendra directeur du cinéma au Ministère de la Culture, parrainera les premiers longs métrages tunisiens de fiction al-Fajr L'Aube de Omar Khlifi, et Khlifa al-Agraa, Khlifa Le Teigneux, de Hamouda Ben Halima seront tournés en 1966 et 1967. Tahar Cheriaa sera le créateur du premier festival panafricain et panarabe de l’Histoire, les "Journées cinématographiques de Carthage" qui restent une référence. En 1964 est produit le premier long-métrage tunisien.
En 1998, Demain je brûle de Mohamed ben Smaïl est un peu le pendant tunisien du "Beyrouth fantôme" libanais de Salhab. Un film sur la non existence, l'écartèlement du corps de l'émigré qui revient au pays et se rend compte qu’il est un étranger des deux côtés de la mer. La mer comme entité qui reste la source et le lien.
Production cinématographique tunisienne
Les productions tunisiennes, produites par deux organes que sont le ministère de la culture et l'ANPA (pour la télévision en support vidéo), restent rares et confidentielles : une dizaine de films sortis depuis 1967 qui traitent des phénomènes de mutations sociales, du retour à l’identité et du choc de la modernité. Toutefois, certains rencontrent un certain succès hors du pays.
C'est vers la fin des années 1980, qu’apparaissent les premiers producteurs de cinéma en Tunisie. Longtemps monopolisée par la Satpec (société anonyme tunisienne pour la production et l’expansion cinématographique),la production cinématographique s'est vue alors confiée, pour la première fois, à des producteurs privés. Feu Ahmed Bahaeddine Attia, fort de son expérience depuis 1974 au sein de Carthago Films, en fut le pionnier par la création en 1983 de Cinétéléfilms Production qui a produit en 1986 L'homme de Cendres de Nouri Bouzid. Encouragé par l’aide à fonds perdus qu’accorde le ministère de la Culture et de la Sauvegarde du patrimoine aux projets de films tunisiens, le nombre de boîtes de production n’a cessé depuis de croître, quoique la moyenne annuelle de production filmique, tous genres confondus, n'a paradoxalement pas évolué depuis trois décennies.
La moyenne annuelle de la production cinématographique tunisienne est de trois longs métrages et six courts métrages par an qui reste loin de son objectif initial de produire cinq longs métrages et dix courts métrages par an. Ceci est en partie expliqué par l'absence de laboratoire pour la phase de post-tournage, ce qui oblige un transfert des films à l'étranger et occasionne une perte de temps et des frais en devises. À partir de novembre 2006, un laboratoire tunisien privé est mis en service à Gammarth par Tarek Ben Ammar, associé de Silvio Berlusconi, à la tête du groupe Quinta Communications qui a produit 65 films internationaux et qui dirige un groupe financier européen dans le secteur télévisuel et des laboratoires de cinéma.
Parmi les plus connus figurent Un été à La Goulette (1996) de Férid Boughedir qui fait un flashback sur la petite communauté de La Goulette à une époque révolue où musulmans, juifs et chrétiens cohabitent dans la tolérance et la bonne humeur. Halfaouine, l'enfant des terrasses (1990) du même Boughedir a sans doute été le plus grand succès du cinéma tunisien. Il met en scène un enfant dans le Tunis des années 60. Nouri Bouzid porte quant à lui sur la réalité tunisienne un regard sans complaisance. Dans L'Homme de cendres (1986), il traite de lapédophilie, de la prostitution et des relations entre les communautés musulmane et juive. Dans Bezness (1991), c’est le tourisme sexuel qui se trouve dans sa ligne de mire. Dans Les Ambassadeurs (1975), Naceur Ktari met en scène des émigrés maghrébins en France qui y sont confrontés au racisme. Ce film obtient le Tanit d’or du meilleur film aux Journées cinématographiques de Carthage en 1976, le Prix spécial du jury du Festival international du film de Locarno la même année et est sélectionné au Festival de Cannes 1978 dans la catégorie « Un Certain Regard ».
Les Silences du palais (1994) de Moufida Tlatli a quant à lui été primé par plusieurs jurys internationaux. Premier film arabe réalisé par une femme, on y découvre la vie dans une maison aristocratique de Tunis à travers les yeux d’une jeune fille. En 2007, le paysage cinématographique tunisien voit la sortie de plusieurs films recevant un certain succès auprès du public tel que Making of de Bouzid ou VHS Kahloucha de Nejib Belkadhi.
- "Nous sommes confrontés à des cinémas comme celui d'Hollywood qui regorgent de gens de talent et de bons comédiens alors que chez nous tout est limité. En France, on peut encore faire du cinéma mais en Tunisie, tous font de grands efforts pour que des films tunisiens existent mais n'arrivent pas à en vivre. La vie est devenue très chère à Tunis". (source : entretien d'Olivier Barlet avec Hassen Daldoul, producteur tunisien).
Pour que le cinéma décolle, il faut que l'aide pour la création artistique devienne une tradition auprès des investisseurs privés tel qu’on le voit dans le domaine du sport.
Productions documentaires
Le cinéma documentaire tunisien est maigre au niveau de la production. Il doit cette réputation à des grands cinéastes comme Mahmoud Ben Mahmoud, Hichem Ben Ammar, Brahim Babaï, Abdellatif Ben Ammar et à de jeunes cinéastes qui pensent qu'il faut mettre l'accent sur les réalités tunisiennes qui avaient tant besoin d'être filmées. Le cinéma tunisien renoue avec le documentaire à la fin des années 1990 après être approché timidement au cours des premières années du cinéma tunisien.
Le Festival international du film documentaire Doc à Tunis vient conforter cette renaissance depuis 2006.
État des lieux
La production tunisienne reste très faible et le nombre de salles de cinéma est passé de 82 en 1987 à 17 en 2006. Les observateurs estiment que la nature du public a changé par rapport aux années 1970 et 80. Ils ajoutent que les étudiants, intéressés auparavant par les films politiques et de nature engagée et qui ont fréquenté les salles de cinéma, ont changé de goût. Les salles de cinéma proposent aujourd'hui des films commerciaux sans contenus et le genre érotique (interdit aux moins de 16 ans) commence à se répandre dans le but d'attirer le public et ferment donc leurs salles.
À ces facteurs s'ajoutent la prolifération des ciné-clubs et l'apparition de chaînes satellitaires spécialisées dans le cinéma. D'après les chiffres officiels, il n'existe pas de salles de cinéma dans au moins dix gouvernorats sur 24. Quant aux producteurs, ils se plaignent du fait que les ciné-clubs piratent les films et violent les droits d'auteur, ce qui les prive des bénéfices de leurs films.
Pour les critiques cinématographiques, depuis 1966, année de la production du premier long métrage tunisien, le cinéma tunisien est passé par trois étapes :
Cette dernière période a fait couler beaucoup d'encre chez les critiques à cause de l'apparition de scènes sensuelles et de nudité tandis que les cinéastes tunisiens disent qu'ils veulent montrer une image folklorique et excitante de la société tunisienne mais certains affirment que ces images sont imposées par les sociétés de production. Les subventions que donnent le ministère de la culture et de la sauvegarde du patrimoine ne dépasse pas 60 % du coût total d'un film, ce qui pousse les cinéastes tunisiens à se diriger vers les sociétés étrangères, notamment françaises, qui imposent leurs conditions et demandent d'insérer de telles scènes en vue de la commercialisation. Pour Férid Boughedir, il n'y a rien à reprocher au cinéma tunisien et ce que disent les critiques occidentaux n'a pas de sens. Il ajoute qu'aucune institution étrangère n'impose ses condition aux cinéastes tunisiens mais le problème est dans la tête des cinéastes qui insèrent de telles scènes et appellent des acteurs étrangers pour pouvoir vendre à l'étranger.
Manifestations
- Les Journées cinématographiques de Carthage, crées en 1966 et organisées tous les deux ans, constitue le plus ancien des festivals de cinéma des pays en développement.
Festival de Cannes
Les cinéastes tunisiens ont été présentés au Festival de Cannes :
- 1970 : Une si simple histoire d'Abdellatif Ben Ammar
- 1977 : Soleil des hyènes de Ridha Béhi
- 1978 : Les Ambassadeurs de Naceur Ktari
- 1981 : Aziza d'Abdellatif Ben Ammar
- 1982 : L'Ombre de la terre de Taïeb Louhichi
- 1983 : Caméra d'Afrique de Férid Boughedir
- 1985 : Les Anges de Ridha Béhi
- 1986 : L'Homme de cendres de Nouri Bouzid
- 1987 : Caméra arabe de Férid Boughedir
- 1989 : Les Sabots en or de Nouri Bouzid
- 1989 : Arab de Fadhel Jaïbi et Fadhel Jaziri
- 1990 : Halfaouine, l'enfant des terrasses de Férid Boughedir
- 1991 : Chich Khan de Mahmoud Ben Mahmoud et Fadhel Jaïbi
- 1992 : Bezness de Nouri Bouzid
- 1994 : Les Silences du palais de Moufida Tlatli
- 2001 : Fatma de Khaled Ghorbal
Des cinéastes tunisiens sont également sollicités pour siéger dans des jurys internationaux. Férid Boughedir est ainsi le premier Maghrébin à être désigné comme membre du jury officiel des longs métrages du festival. Il est suivi de Moufida Tlatli.
Musée du cinéma
Le musée tunisien du cinéma est inauguré en 1998 et retrace l'évolution de la technologie du cinéma et abrite une collection de matériel de cinéma datant de 1904.
Cinéastes
- Nadia Touijer (née en 1976 à Tunis. Elle a étudié le montage à l'Insas (Bruxelles) et réalisée plusieurs films. Elle travaille depuis quelques années sur des films étrangers et tunisiens.
- Slim Ala Eddine (né le 11 novembre 1982 à Sousse). Diplômé en Technologies de l’Audiovisuel (section assistanat à la réalisation) à l’Institut Supérieur des Arts Multimédia (ISAMM) 2004. Cofondateur de la société de production "Exit Productions". Il réalise en 2004, la nuit des Rêveurs (C.M.), qui est un Projet de fin d'études et en 2006 : L'Automne (C.M.). Avec Ali Hassouna qui ont fait leurs études à l’Institut supérieur des art multimédias de La Manouba (Isamm), constatant qu’aucune perspective professionnelle n’est possible sur le marché, ils ont décidé en 2005 de créer leur propre boîte de production pour parvenir à réaliser leurs films sans aide ni subvention.
- Karim Souaki est un jeune réalisateur issu du mouvement des cinéastes amateurs. Le public le découvre à l’occasion des Journées cinématographiques de Carthage en 2008 à travers un documentaire poignant sur la maladie du sida intitulé Silence sélectionné dans la compétition vidéo. Depuis ses débuts au sein de la Fédération tunisienne des cinéastes amateurs (Ftca), Karim Souaki n’a fait que du documentaire. En 2005, il obtient la médaille de bronze au Festival international du film amateur de Kélibia (Fifak 2005) pour son court métrage documentaire Histoire d'une femme, un portrait émouvant où l’auteur résume en quelques minutes la vie marginale d’une vieille femme de la banlieue nord. (source)
- Amine Messadi : Diplômé de la Nouvelle Université de Cinéma et Télévision de Rome. Directeur photo sur une vingtaine de court métrages tunisiens et italiens.
Bibliographie
- Abdelkrim Gabous, Silence, elles tournent ! Les femmes et le cinéma en Tunisie, éd. Cérès Productions, Tunis, 1998
- Hédi Khélil, Le parcours et la trace. Témoignages et documents sur le cinéma tunisien, éd. MC-Editions, Carthage, 2000