musique arabo-andalouse

Publié le 12 Mai 2008

Le muwashshah ou mouachah (de l'arabe موشح double ceinture en cuir enrichie de paillettes ou d'incrustations de pierres précieuses) (chants racontant les épopées) est une catégorie métrique arabe connue en Occident sous la dénomination de « poésie strophique ».  Ce mot est transcrit également en castillan comme muaxaha, muwasahas, muassaha, etc. Ce genre de composition est également imité par les poètes judéo-espagnol.

Le muwashshah désigne une forme de poème et de chanson à 3 ou 7 strophes qui fut inventée en al-Andalus, en Espagne musulmane, probablement au XIe siècle.

Le schéma strophique est le suivant: aa bbbaa cccaa dddaa eeeaa fffAA[1]


Créée par Mucaddam Ben Mufa el Cabri, un non-voyant de la province de Cordoue (en Espagne musulmane) qui vécut au temps de l'émir Abdallah et d'Abderraman II, à la fin du IXe et au début du Xe siècle.  Cette forme poétique constitue un pan original de la production littéraire de l'Occident musulman médiéval. Dans les cours provençales, premier reflet de l'esprit des cours galantes et raffinées à la manière andalouse qui se manifeste dans l'Europe chrétienne, les troubadours, voyageant d'un pays à l'autre, connaissaient très bien la musique arabo-andalouse ainsi que l'utilisation des instruments. La forme du Zéjal apparaît déjà chez certains des plus anciens comme Guillaume de Poitiers. Au nord de la France nous trouvons une multitude de ballades et de rondeaux écrits en forme de zéjel, certains datant du XIIe et la majorité du XIIIe siècle. Le célèbre rondeau La Belle Aëliz, dans le "Jeu de Robin et de Marion" d'Adam de la Halle, est un zéjel de la forme la plus pure.

C'est sous le règne des Mulûk al-Tawâ'if que s'est produit le véritable développement du muwashshah. Lorsque le pouvoir central omeyyade de Cordoue affaibli par des querelles partisanes s'effondra, l'Émirat d'al-Andalus fut morcelé en de multiples principautés plus ou moins indépendantes. Celles-ci, par le biais du système du mécénat, permirent l'éclosion de talents dans les cours de Séville, de Badajoz ou de Saragosse. L'art poétique en Espagne obtint alors ses lettres de noblesse, tant dans le domaine de la qasîda, que dans al-shi'r al- muwashshah.

La plupart des poètes qui excellèrent dans cet art nouveau appartenaient aux classes sociales modestes. Leurs surnoms sont, de ce point de vue, très significatifs : Ibn al-Labbâna , « le fils de la crémière », al-Khabbâz, « le boulanger », al-Djazzâr qui préféra retourner à son métier de « boucher » plutôt que de passer sa vie à encenser des aristocrates avares, Ibn Djâkh al-Ummî , « l'illettré » etc...Ce sont donc ces hommes du « petit peuple » qui fixèrent, dès le XIe siècle, les caractéristiques fondamentales du muwashshah.

Les deux dynasties « réformatrices » venues du Maghreb, celle des Almoravides, puis celle des Almohades, ont tenté d'imposer en vain aux Andalous leur rigorisme religieux. Mais elles se heurtèrent au mode de vie et au raffinement culturel des populations andalouses et les poèmes à la gloire de l'amour et de l'ivresse finirent par l'emporter sur les sermons rigoristes des fuqahâ'. Et lorsque le muwashshah aborda des thèmes spirituels, ce fut, lors du développement du mouvement soufi, pour exprimer des élans mystiques et la quête passionnée de l'amour divin.

La popularité et l'authenticité du muwashshah triomphèrent de toutes les réticences des censeurs bornés ou des hommes de lettres timorés qui n'osaient pas imaginer un autre cadre à l'expression poétique que celui, immuable, de l'antique qasîda. Même les classes « supérieures » de la société qui avaient pris de haut une poésie ne respectant pas les règles sacro-saintes de la qasîda traditionnelle, finirent par composer dans le nouveau genre poétique, désormais adopté par la plupart des Andalous. Ce fut notamment, à l'époque nasride, le cas d'un souverain comme Yûsuf III ou d'Ibn al-Khatîb. Cet homme politique hors pair, auquel al-Maqqari consacra son ouvrage Nafh at-tîb fut un éminent lettré qui a marqué de son empreinte l'histoire du muwashshah. C'est à lui que l'on doit le célèbre muwashshah qui commence par « djâda-ka al-ghaythu idhâ al- ghaythu hamâ » qui appartient à la mémoire collective de tous les nostalgiques du paradis perdu andalou. Mais sa contribution la plus importante est due à son anthologie intitulée "Djaysh al-tawshîh" qui comporte plus d'une centaine de muwashshahât dont certaines ne se trouvent dans aucune autre source connue.

Le muwashshah, inventé dans la Péninsule ibérique, a commencé, dès le 12esiècle, à franchir le Détroit pour aller conquérir tant le Maghreb voisin que des contrées plus lointaines au Mashriq. Ceci fut permis par l'inversion du mouvement migratoire qui poussa des lettrés andalous à quitter al-Andalus pour partir à la quête du savoir, de la fortune ou de la divine vérité sur les chemins qui mènent de Ceuta à Marrakech, de Tlemcen à Bidjâya et de Tunis à Damas et à La Mecque. Quand il a quitté al-Andalus, le muwashshah était accompagné d'un genre très proche et plus populaire dans son expression : le zajal. Cette forme de poésie eut un illustre représentant en la personne d'Ibn Quzmân qui fut l'auteur de pièces où s'exprima toute la sensibilité des Andalous de condition modeste : légèreté, joie de vivre et liberté de ton. Les muwashshahât furent d'autant plus facilement répandues qu'elles arrivèrent, dans ces nouvelles contrées, habillées le plus souvent des mélodies envoûtantes appartenant au système des nawbât mis au point par Ziryâb

Guillaume de Machaut (né vers 1300 - mort en 1377), qui était le plus célèbre écrivain et compositeur français de son époquenous a donné maintes preuves de sa connaissance de la musique et des instruments arabes. En Italie, la forme du zéjel apparaît pour la première fois dans l'éloge de Fra Jacopone da Todi, disciple de St François d'Assise. De nombreux frottole et d'autres chants italiens ont par ailleurs la structure du zéjel, qu'ils soient des XIVe, XVe ou XVIe siècles.

La moaxaja in extenso est une composition poétique à rimes et mètres multiples propre à l'Espagne musulmane dont les premières références écrites remontent au 9ème siècle.

Ce type de poème en langue arabe est distincte de la Qasida à une seule rime et autorisant une plus grande subtilité et possibilités de création et de composition musicale. le poème est composé en larges versets monorythmiques. Selon García Gómez, à la fin du 9ème siècle, un poète arabe anonyme empruntait certaines de ces chansons en un poème arabe intitulé moajaxa, qui lui donna une structure strophique particulière.

Ce style connut un âge d'or avec Ibn Tufaïl, Ibn Bajja (Avempace), Ibn Rochd (Averroès), Lissane-Eddine Ibnoul Khatib...

Cette tradition musicale andalouse engendre différents genres de musiques citadines qui puisent leurs sources dans la poésie et la mélodie du terroir. Ces genres plus vifs sont représentés par les N'qlabate, le Hawzi, le Aroubi, le Zendani, le Chaâbi qui en est le dérivé le plus récent.

Fragment d'une muaxaha traduite en espagnol par García Gómez 

  • Cual tímido ciervo
  • mi amada es bella.
  • Sus hermosos ojos
  • robó a la gacela.
  • Duna es luminosa
  • con palma de perlas.

Khardja (en espagnol jarcha ['xartʃa], de l'arabe خرجة final) est un terme littéraire qui désigne les vers finaux de la dernière strophe d'un muwashshah, poème arabe ou hébreu à forme fixe qui fut inventé en al-Andalus, en Espagne médiévale musulmane, au XIe siècle. Les environ soixante-dix khardjas retrouvées, composées en ancien espagnol et écrites en caractères hébraïques ou arabes (en aljamiado), sont d'une grande importance pour la philologie romane. Datant du XIe siècle, elles représentent d'une part les plus vieux textes intégraux connus en langues ibéro-romanes, et d'autre part elles constituent les plus anciens témoignages de poésie écrite dans une langue romane, antérieure à celle des troubadours. 

En 1952 l'arabiste espagnol, Emilio García Gómez, publia dans Al-Andalus vingt-quatre khardjas romanes découvertes dans des muwashshahs arabes. 

Ces vers finaux en ancien espagnol dans les muwashshahs hispano-hébraïques et hispano-arabes sont des fragments de chansons de femme: Frauenliedercantigas de amigo, deschansons de toile. Leur motif est la complainte d'une jeune fille qui exprime son amour passionné vers son amant absent:

" 'Ô toi qui es brun, ô délices des yeux! Qui pourra supporter l'absence, mon ami?'  Tout rend le contraste extrême entre le poème et cette pointe finale: le changement de langue, de style, de sujet. Mais c'est le contraste qui met en valeur l'à-propos de la citation."
- Michel Zink: Leçon inaugurale faite le Vendredi 24 mars 1995 au Collège de France, Chaire de Littératures de la France Médiévale 

Bibliographie

  • Habib Hassan Touma (1996). The Music of the Arabs, trans. Laurie Schwartz. Portland, Oregon: Amadeus Press. ISBN 0-931340-88-8.

  • Corriente, Federico (1997). Poesía dialectal árabe y romance en Alandalús : cejeles y xarajat de muwassahat. Madrid: Gredos. ISBN 8424918878

  • Emery, Ed (2006). Muwashshah : proceedings of the Conference on Arabic and Hebrew Strophic Poetry and its Romance Parallels, School of Oriental and African Studies (SOAS), London, 8-10 October 2004. London: RN Books

  • Jones, Alan (1987). Romance Kharjas in Andalusian Arabic Muwassah poetry : a palaeographic analysis. London: Ithaca. ISBN 0863720854

  • Jones, Alan & Hitchcock, Richard (1991). Studies on the Muwasssah and the Kharja : proceedings of the Exeter international colloquium. Reading: Published by Ithaca for the Board of the Faculty of Oriental Studies, Oxford University.ISBN 0863721508

  • Zwartjes, Otto (1997). Love songs from al-Andalus:history, structure, and meaning of the kharja. Leiden:Brill. ISBN 9004106944

  • Zwartjes, Otto & Heijkoop, Henk (2004). Muwassah, zajal, kharja : bibliography of eleven centuries of strophic poetry and music from al-Andalus and their influence on East and West. Leiden-Boston : Brill. ISBN 9004138226

  • Thomas Cramer (Hg.): Frauenlieder - Cantigas de amigo. Hirzel S. Verlag Stuttgart 2000, (ISBN 3-7776-1022-4).

  • Álvaro Galmés de Fuentes: Las jarchas mozárabes y la tradición lírica romanica. In: Pedro M. Piñero Ramírez (ed.): Lírica popular, lírica tradicional : lecciones en homenaje a Don Emilio García Gómez. Universidad de Sevilla 1998, ISBN 84-472-0434-0, p. 28-53 extraits Google-books

  • Álvaro Galmés de Fuentes: Las jarchas mozárabes. Forma y significado. Barcelona: Crítica, 1994.

  • Emilio García Gómez: Las jarchas de la serie árabe en su marco. Madrid 1965, Seix Barral, Barcelone, seconde édition 1975.

  • Henk Heijkoop and Otto Zwartjes: Muwassah, zajal, kharja: Bibliography of strophic poetry and music from al-Andalus and their influence in East and West. Leiden: Brill 2004, (ISBN 90-04-13822-6). bibliographie - (extraits).

  • Richard Hitchcock and Consuelo López-Morillas: The Kharjas. A critical bibliography. London 1996, (ISBN 978-0729303897), bibliographie (extraits)

  • Alan Jones:Romance Kharjas in Andalusian Arabic Muwassah Poetry. A Palaeographical Analysis. London: Ithaca 1988, (ISBN 0863720854).

  • Reinhold Kontzi: Zwei romanische Lieder aus dem islamischen Spanien. (Zwei mozarabische Hargas); in: Romania cantat. Gerhard Rohlfs zum 85. Geburtstag gewidmet. Band II Interpretationen. Tübingen: Narr 1980, (ISBN 3878085095), p.305-318.

  • Pierre Le Gentil: La strophe 'zadjalesque', 'les khardjas' et le problème des origines du lyrisme roman, dans: Romania (Paris), 84, 1963, pp. 1-27 et pp. 209-250.

  • Évariste Lévi-Provençal: Quelques observations à propos du déchiffrement des hargas mozarabes, dans: Arabica, 1 (1954), pp. 201-208 – extrait

  • Beatriz Soto Aranda: Ideología y traducción: algunas consideraciones acerca de la traducción de las jarchas, in: Centro de Estudios Superiores Felipe Segundo (CES Felipe II) , Revista Enlaces, número 5, Universidad Complutense de Madrid (UCM) juin 2006, ISSN: 1695-8543

  • Samuel Miklos Stern: Les vers finaux en espagnol dans les muwassahs hispano-hébraïques. Une contribution à l'histoire du muwassah et à l'étude du vieux dialecte espagnol mozarabe; dans: Al-Andalus Revista de las escuelas de estudios árabes de Madrid y Granada, XII (1948), pp. 299-346.

  • Yosef Yahalom and Isaac Benabu: The Importance of the Geniza Manuscripts for the Establishment of the Text of the Hispano-Romance Kharjas in Hebrew Characters, in: Romance Philology, 40/2 (1986), pp. 139-158

  • Michel Zink: Leçon inaugurale faite le Vendredi 24 mars 1995 au Collège de France, Chaire de Littératures de la France Médiévale, p. 7 - texte complet en format pdf .

  • Michel Zink: Littérature française du Moyen Âge, Paris: PUF 'Premier cycle' 1992, 2e édition revue et mise à jour, 2001, (ISBN 2130449948), pp. 114/123.

 

Récupérée de « http://www.wikimusique.net/index.php/Muwashshah »

Voir les commentaires

Rédigé par Mario Scolas

Publié dans #Musique arabo-andalouse

Repost0

Publié le 28 Avril 2008

Nouba

La nouba, ne signifie pas vraiment une noce, une bombance, une java...et encore moins la musique militaire de tirailleurs d'Afrique du Nord comportant des instruments indigènes (dixit le Petit Robert). La nouba est d'abord une musique savante arabe et construite. Déjà connue dans la littérature abbasside, le terme va depuis cette époque plusieurs sens.

On définit généralement la nouba ou encore transcrit nawba comme une longue suite de pièces vocales et instrumentales provenant des fondements de la musique arabo-andalouse.

Celles-ci sont associées à des structures rythmiques et à des modes particuliers mais sur des rythmes différents ; la waslah se compose également de cinq parties, dont la quatrième est constituée par le taqsim (improvisation), instrumental puis vocal dont l'origine remonte au IXe siècle. À cette époque, un musicien célèbre de Bagdad, Ziryab (surnommé le Merle noir), avait dû fuir son pays et trouver refuge à Cordoue, en Espagne, pour échapper aux menaces d'un musicien de cour jaloux et influant.

On a émis sur l'origine des Nouba différentes hypothèses. En soi, le mot nouba signifie aussi bien évènement, tour de rôle. On l'a accepté comme synonyme du mot Senaa «métier par excellence ». Effectivement à Tlemcen la musique andalouse est classée par senaa Dil, Reml, etc. Comme elle est à Alger en noubat Dil, Raml, etc.

Une particularité des Noubas qui ne doit pas passer inaperçue est l'ordre dans lequel les musiciens les jouent. Il n'est pas indifférent de faire entendre telle ou telle nouba au gré des assistants ou des musiciens : il y a une règle formelle qui fixe à quel moment du jour ou de la nuit sera chantée chaque nouba.

Les noubas, hélàs se jouent de plus en plus souvent en grande formation qui singent les orchestres symphoniques occidentaux, quitte à perdre la spontanéité qui faisait tout le charme d'une époque révolue.

Origine

En Andalousie, Ziryab composa les noubas, qui allaient devenir la base de cette musique fondée sur les intervalles des gammes modales et monodiques qui exploite aussi bien les virtuosités instrumentales que vocales. Cette musique savante constitue la source dans lequel sont nés plus tard les styles populaires tels que le chaâbi, l'hawzi ou encore l'aroubi. Si les noubas sont au nombre de 24, c'est parce qu'à chaque moment du jour est associée une musique précise régie par des règles particulières. Les noubas sont transmises par la tradition orale. la plupart de ces dernières se sont éteintes au cours des guerres, des déplacements de populations et du temps qui passe. Selon l'école d'Alger, il n'en resterait de nos jours que douze; mais la Tunisie en compte treize, le Maroc douze et quinze à Tlemcen en Algérie mais ces noubas disparues qui circulent toujours actuellement dans le milieu musical de cette ville, et sont parfois considérées par la majorité des musicologues comme douteuses au niveau de leur authenticité.

 

Qu'est-ce qu'une Nouba ?

Il s'agit d'une longue suite de morceaux musicaux instrumentaux et vocaux composée de plusieurs poésies, de rythmes et de rimes différents, mais dont la composition musicale puise dans le même mode tels par exemple les Sika, Zidane, Raml, Mezmoum...par des rythmes successifs et évolutifs selon un ordre convenu, à savoir du plus lent, au début, au plus rapide à la fin.

Chacune de ces pièces exprime un poème lyrique, riche et varié, avec des techniques musicales très judicieuses et très significatives. la Nouba se compose de neuf mouvements (qui peuvent inclure près de 40 pièces). A chacun de ces mouvements est associé un rythme spécifique, qui se décline lui-même en plusieurs modes. Ajoutez à cela les disparités géographico-culturelles et vous aurez une vague idée de la complexité, de la richesse de cette musique savante. L'orchestre de la musique al-âla comprend souvent violon, rebab, oud, violoncelle, alto et percussions (les instruments à archet étant souvent présents en plusieurs exemplaires) et un ou plusieurs chanteurs.

Du fait de sa longueur (jusqu'à 8 heures de musique), une nouba n'est presque jamais jouée dans son intégralité. Cette forme peut donc être considérée comme étant à géométrie variable, le chef de l'ensemble ayant pour rôle de choisir et d'agencer les différentes pièces (sanaâ) de manière harmonieuse.

Comme le veut l'usage, la nouba s'exécute avec accélération. Ses poèmes essentiellement dialectaux brodent sur deux thèmes classiques du genre : l'amour personnifié par l'absence et l'attente qui génère la passion. En ce qui concerne les 12 noubas décrites comme complètes, elles ne disposent pas toutes d'ouvertures, appeléstouchya (l'école de Tlemcen dispose d'un nombre de touchya plus élevé que dans les autres écoles) et qui constituent le prélude aux noubas ou suites.  

  La Mechalia ou Touchiat ettaq’îd – qui annonce le mode de la nouba - est une introduction instrumentale où le chef d’orchestre – ou le cheikh – grâce à un jeu de gammes exécutées dans un ordre harmonieux, permet aux musiciens de s’assurer du bon accord de leurs instruments -À défaut de la méchalia, un prélude ou istikhbar exposant le mode fait, en général, de répliques instrumentales données en solo et parfois se chevauchant les unes les autres en un désordre harmonieusement concerté.
Selon Jules Rouanet, dans son étude sur la musique arabe du Maghreb qui se référe à des souvenirs de vieux musiciens d’Alger, les noubas Dil et Ghrib étaient précédées d’une daira, sorte de court prélude vocal exécuté sans accompagnement d’instruments de percussion et consistant en une vocalisation des mots “ya lalan” .

• Une Touchia est une ouverture instrumentale jouée à l’unisson qui, au même titre que la mechalia, indique la nouba doit suivre.

• Enfin, un ample dialogue entre la musique et le chant, développé en cinq mouvements successifs allant du largo au final. Ces mouvements sont (avec les mesures et rythmes en usage au sein de l’Ecole d’Alger notamment) : - le M‘cedder 4/4 lent – le Btahi 4/4 moins lent que le M‘cedder –le Derdj 4/4 plus léger que le B‘taihi – el Ensraf 5/8 ou 6/8 légèrement boiteux – le Khlass 6/8 final vif.
Chacun de ces mouvements, hormis le Klass, est précédé d’une introduction instrumentale appelée Koursi qui lui est propre, mais qui malheureusement ne se trouve pas dans toutes les noubas. Pour clore une nouba, il arrive que se chante, sur le mode de cette dernière, une Quadria constituée par deux distiques dont la mélodie et le texte rompent avec le cérémonial de la nouba.Les Quadriates sont au nombre de huit – Djarka – Ram el maya – Zidane – Aâraq – Sika – M’quentra – Moual – M’djenba. Il faut noter l’absence d’une Quadria Mezmoum pour faire suite à la nouba du même mode.

Du fait de l’existence dans la nouba Ghrib d’une touchia jouée sur le rythme de l’insraf, on a été amené à penser que, dans le passé, chaque nouba devait probablement comporter une touchia lente en ouverture et une touchiat el ensrafate précédant celle-ci.

À Tlemcen, les noubas H’sine et Ghrib se terminent par une pièce instrumentale appelée Touchiat el kamal. À l’origine, il existait 24 noubates, dont chacune s’insérait dans une heure déterminée du jour ou de la nuit.
Dans son étude sur la musique, Rouanet en a établi la nomenclature comme suit : 1 dil - 2 m’djenba - 3 h’sine - 4 raml - 5 raml el maya - 6 raml el âchia -7 ghrib - 8 sika - 9 rasd - 10 rasd eddil - 11 mezmoum - 12 maya - 13 aâraq - 14 r’haoui - 15 djerka - 16 ghribet el H’sine - 17 maya faregh - 18 zidane - 19 esbihan el kabir - 20 esbihan essaghir - 21 el âchaq - 22 h’sine achirane - 23 h’sine asel - 24 h’sine saba.

De ces 24 noubates il ne subsiste plus aujourd’hui que quinze, sur lesquelles, douze seulement offrent matière à l’exécution d’une suite complète ce sont : -dil (sur le mode moual) – m’djenba (sur le mode zidane) – h’sine (sur le mode aâraq) – raml el maya (sur le mode raml el maya) – raml (sur le mode zidane) – ghrib (sur le mode aâraq) – zidane (sur le mode zidane) – rasd (sur le mode raml el maya ou mezmoum) – mezmoum (sur le mode mezmoum) – sika (sur le mode sika) – rasd eddil (sur le mode moual) – maya (sur le mode moual).

Dans les trois autres, il ne reste que l’ensref et, parfois, le khlass. Ce sont – djarka - aâraq - moual. Il convient, toutefois, de préciser qu’hormis ce chiffre de quinze noubates généralement retenu, nous possédons encore la touchia de la nouba ghrib el H’sine et des enklabate, ensrafate et khlassate de la nouba R’haoui mais aux thèmes strictement religieux.

Par ailleurs, dans son répertoire de musique arabe, Edmond YAFIL classe distinctement la nouba aâraq où se trouvent des morceaux intégrés dans la nouba h’sine. Ce phénomène a dû se produire pour d’autres noubate, comme, par exemple, pour les noubate, raml et raml el âchia. De ce fait, nous pouvons conclure que certaines noubate ont disparu parce qu’elles se sont appauvries, mais pour enrichir d’autres relevant du même mode.

Il est courant de constater que les heures de l’après-midi et de la nuit sont les plus propices à l’écoute de la musique. C’est ainsi que la disparition de certaines noubates, due aux aléas de la transmission orale, peut s’expliquer par le fait que ces dernières se jouaient en dehors de ces heures, si l’on tient compte du strict respect des règles observées, alors, par les maîtres.

À titre tout à fait indicatif et sans les situer dans des heures précises comme cela se produisait à l’origine lorsqu’il existait les 24 noubate, que celles qui subsistent aujourd’hui doivent, normalement, être interprétées selon les indications ci-après : Raml : entre 18h et 20h Raml el maya : entre 20h et 22h H’sine : entre 22h et24h Dil, M’djenba : entre 23h et 1h Ghrib, zidane : entre 24h et 2h30 Rasd eddil : entre 2h30 et 3h30 Maya : entre 3h et 5h Il faut ajouter que certaines noubate peuvent se jumeler (mazdj) dans l’ordre (1-2) indiqué sous- dessous : 1) Dil -2) Mdjenba 1) Raml el maya -2) Raml 1) Ghrib -2) Zidane 1) Rasd -2) Mezmoum 1) Maya - 2) Rasd eddil. À l’exception, des noubate H’sine et Sika qui s’interprètent seules.

La deuxième partie du répertoire est composée d’une floraison de pièces indépendantes les unes des autres, empruntant leur texte aux mouwachahate et aux zedjel, et chantées sur un mouvement généralement léger et sur des mesures variées (2/4 2/4 4/4 5/4 6/4 7/4). On les appelle les inklabate.

Leur mélodie est basée sur les sept modes classiques fondamentaux. Bien qu’indépendantes, elles peuvent donner lieu à l’exécution d’une suite ingénieusement composée de modes et de rythmes différents appelés : noubate el enklabate ou salslate el enklabate, précédée, parfois d’une ouverture instrumentale dénomée Bachraf ou Tchanbar.


 

Les différents mouvements constituant une nouba complète et qui vont en s'accélérant, sont les suivants :

  • 1- Matchalia (ou TEMRINA ou TERYICHA) : prélude instrumental arythmique est une sorte de prélude ou d'exposition non mesurée du thème général, jouée par les instruments dans le mode choisi, invitant l'attention de l'auditoire et le conditionnant, suivie d'une ouverture.
  • 2- Touchya : C'est une ouverture instrumentale rythmée. Elle est exécutée par tous les instruments de l'orchestre. Pour inventer une Touchya par exemple, il faut s'imprégner de la structure compositionnelle de cette Touchya : nombre de mouvements doublés ou non doublés, mode de liaison ou d'articulation avec des syntagmes existants dans d'autres ouvertures (exemple : entre Touchya zidān et Touchya sika...). Elle est composée sur un rythme binaire ou quaternaire (2/4; 4/4).
  • 3- Koursi : introduction instrumentale rythmée pour la partie suivante.
  • 4- M'çaddar : entrée mixte (vocale et instrumentale), rythme d'une très douce lenteur. Le M' çaddar est suivi d'un koursi, nouvelle ritournelle instrumentale qui annonce la transition et prépare une nouvelle série de mélodie portant le non de Btayhi qui se chante sur un mouvement encore assez lent, mais moins majestueux que celui du M'çaddar.
  • 5- Koursi : ritournelle instrumentale intermédiaire entre le M'çaddar précédent et le B'Taihi suivant.
  • 6- B'Taihi : mélodie à exécution mixte, rythme lent mais moins que celui duM'çaddar avec alternance du chœur et de l'instrumentation, laisse ressortir une accélération progressive d'un couplet à l'autre, peut devenir soudainement aussi lent que le M'çaddar à la fin de la mélodie.
  • 7- Derdj : Sorte de complainte chantée en chœur sur un rythme lent. Exécution mixte, rythme de plus en plus léger. la partie chantée est lente mais pas aussi lente que dans les deux premiers mouvements: M'çaddar et B'taïhi.
  • 8- Istikhbar : arrêt complet de l'exécution de l'ensemble et prestation vocale et instrumentale de solistes, sans rythme.
  • 9- Insiraf (pluriel N'SRAFATES) : Mélodie à exécution mixte, rythme plus léger avec alternance du chœur et de l'instrumentation. C'est une mélodie chantée et jouée sur un mouvement alerte où les poèmes deviennent plus gais évoquant l'amour, la nature, les oiseaux, les réunions entre amis,.... Les insirafates sont procédés d'un Koursi.
  • 10- Makhlass (ou Kholass ) : exécution mixte, rythme très léger, appelant a la danse. Il apporte la conclusion de la nouba, se joue sur un air au rythme vif. (coda évoquant quelque peu la gigue baroque) - en passant par les longs chants poétiquessanaa (littéralement "bel ouvrage")

 

Noubas constituant le répertoire de la musique andalouse de l'école Tlemcenienne

  • Sika (ou Siga) : nouba considérée comme complète - mechalia, touchya, M'çaddar,B'Taihi, derj, insiraf et kholass), avec ses différents cycles rythmiques, tenant à faire distinguer entre les trois styles musicaux les plus connus (Alger, Constantine et Tlemcen)
  • Ghrib Nouba considérée comme Complète)
  • H'SINE ( Nouba considérée comme complète)
  • Zidane : Nouba considérée comme complète qui comprend les noubas « Zidane », « Raml » et « M'jenba »
  • Dil (nouba considérée comme complète) - La Nouba Dil se joue à l'aurore, le matin, avant le lever du jour. La poésie choisie pour ce mode décrit le réveil de la nature, le chant des oiseaux, la brise matinale, l'éclosion des fleurs, l'apparition des premières lueurs du matin derrière les montagnes, le mouvement des êtres et des choses, la manifestation de la vie. Le soleil n'est pas encore levé et le cœur se trouve indécis, balançant entre le réveil et l'insomnie. Mais l'espoir d'un jour heureux et faste est prédominante.
  • Rasd dil (Nouba considérée comme Complète)
  • RAML (ou Raml El Aachiya) ( Nouba considérée comme Complète)
  • RAML MAYA ( Nouba considérée comme Complète)
  • Mezmoun Nouba considérée comme complète comprenant une seule nouba, le Mezmoum
  • MAYA ( Nouba considérée comme Complète).

GHRIBET LAHSINE (Nouba considérée comme complète du fait qu'elle peut 's'alimenter' au niveau des deux modes Ghrib et H'sine)

Noubas signalées comme incomplètes du fait qu'il leur manque un ou plusieurs éléments, disparus dans le temps.

  • MEDJENBA ( Nouba considérée comme incomplète)
  • RASD ( Nouba considérée comme incomplète)
  • Aarak : Nouba considérée comme incomplète avec ses deux noubas, « H'sine » et « Ghrib »avec ses deux noubas, « H'sine » et « Ghrib »
  • DJARKA ( Nouba considérée comme incomplète)
  • ASBAHATES ou SABAH AAROUS ( Nouba considérée comme incomplète)
  • Mawwâl : Nouba considérée comme incomplète qui comprend les noubas « Maya », « Dil » et « Rasd dil »

Exemples

Noubat reml el Achia l'après midi vers 17h. Les paroles célèbrent l'aspect de la nature, des champs au moment où le soleil va descendre à l'horizon etc.... Un M'çaddar de la nouba chante ceci : « Voici le soir, le soleil incline ses rayons dorés vers le couchant. Les ruisseaux roulent leurs ondes à travers la compagne verdoyante. Les oiseaux gazouillent. Les fleurs embaument l'air....... ».

Noubat el maya le soir à partir de 3 h du matin. Un M'çaddar de la nouba Maya: «Réveille-toi de ton sommeil. La bougie brille encore. Ô étoile du matin, salue de ma part celle qui est la lumière de mes yeux...».

 

 

 

Références utiles

  • Habib Hassan Touma (1996). The Music of the Arabs, trans. Laurie Schwartz. Portland, Oregon: Amadeus Press. ISBN 0-931340-88-8.

Liens internet

Voir les commentaires

Rédigé par Mario Scolas

Publié dans #Musique arabo-andalouse

Repost0

Publié le 21 Mars 2008

 

 

Omar Metioui (عمر المتيوي) (né à Tanger en 1962) est un musicien et musicologue marocain, vivant et travaillant à Tanger. Il est un praticien réputé de la musique arabo-andalouse et soufie.

Biographie et évolution musicale

Parallèlement à des études en pharmacie qu'il a poursuivi à l'université de Bruxelles, il a étudié la musique arabo-andalouse au Conservatoire de Tanger à partir de 1974. Il a rejoint l'orchestre principal de musique andalouse de Tanger "El-'Arbi s-Siyyár" comme oudiste en 1976.

Il fut premier oudiste de 1987 à 1994 de l'Orchestre du Conservatoire de Tanger sous la direction du Cheikh Ahmed Zitouni. Il a occupé également cette fonction de 1991 à 1994 au sein de l'Orchestre du Ministère des Affaires Culturelles.

En 1994, il a créé avec Eduardo Paniagua le groupe hispano-marocain de musique andalou-maghrébine "Ibn Báya". Il a créé plus tard, en 1997, un groupe de musique sacrée au sein de la confrérie "Al-Shushtari". La même année, il a créé l'ensemble "Al-Ala Al-Andalusiyya".

 

En 1995, le Centre de documentation musical de l’Andalousie de Grenade le sollicite pour la transcription et la translittération des «noubas» andalouses. La tradition musicale arabo-andalouse repose sur une forme stricte qui est la «nouba». Celle-ci est une suite de pièces vocales et instrumentales d'un même mode qui se jouait à une heure précise de la journée. Son autre préoccupation est la sauvegarde du patrimoine musical des grands maîtres marocains, tels que Moulay Ahmed Loukili, Abdelkkrim Raïs et Mohamed Ben Larbi Temsamani à qui il a dédié une biographie et quelques textes à travers quelques CD : L’ensemble Al-Shustari doit son appellation au grand poète mystique andalou Abu-Hassan Al Shustari ( 1212-1269). Ce dernier est né à Shustar près de Guadix.

Il s’installe par la suite au Maroc, à Rabat et à Meknès. Sa soif de spiritualité et de soufisme le mène jusqu’en Perse et au Moyen-Orient.

Aujourd’hui, Omar Metioui, par la création de cet orchestre, se fixe pour mission de présenter et de diffuser dans le monde entier, un répertoire mystique soufi traditionnel dans toute sa splendeur et sa profondeur. En participant à des conférences, des festivals et des concerts internationaux, notre virtuose permet à cette musique d’être accessible au plus grand nombre et ainsi de gagner chaque jour un peu plus d’adeptes en quête de sérénité et de plénitude. Ce travail apparaît aussi sur de nombreux enregistrements, d’où une discographie importante et variée.

Il participe à de nombreux concerts en Europe (Espagne, Portugal, France, Belgique, Pays-Bas, Italie), en Asie (Japon, Iran) et arabes (Algérie, Tunisie, Égypte, Yémen, Jordanie, Syrie).

Omar Metioui et Begoña Olavide (qui collabore habituellement avec Jordi Savall en Hesperion XXI) ont présenté un programme sur les sources de la musique arabo andalouse : la musique arabe venue d’Orient, la musique afro-berbère du Maghreb et celle pratiquée dans la péninsule Ibérique avant 711.(Source Mondomix)


Discographie

  • Andalusí Lute

 

Lien interne

  • Musique marocaine

Voir les commentaires

Rédigé par Mario Scolas

Publié dans #Musique arabo-andalouse, #Omar Metioui

Repost0