Le passé africain a attaqué le Maghreb par son sud traversé les déserts et les siècles pour arriver jusqu'aux villes. Ainsi le rythme fou entêtant, le rythme circulaire d'une puissance stupéfiante des qqraqeb résonne également dans les faubourg de la capitale tunisienne.
Le stambali à l'instar de la musique des gnawas est un culte negro-africain pratiqué en Tunisie. Il s'agit de rites divinatoires de possession dont les pratiquants ont été originellement les descendants directs des anciens esclaves noirs d'Afrique. Ce culte syncrétique et magico-religieux s’inscrit au plus profond de la tradition musicale afro-maghrébine. Son histoire est indissociable à celui de la traite orientale des populations noires sub-saharienne. Cette musique occupe une place importante dans le rituel des cérémonies. Cet échange entre la culture noire africaine et la culture islamo-magrébine a fait que ces pratiques ancestrales se présentent à la fois comme un art, un système de croyances, un répertoire de chants sacrés et enfin un rite extatique.
Les effets curatifs de la musique soufie tunisienne et des rituels du Stambali, du Hadra, de l'Issawiya, de l'Awamriya et de la Qadiriya intriguent les psychologues depuis longtemps en Occident.
La foi et la croyance sont les éléments les plus importants, sur lesquels se fondent les formes traditionnelles et modernes de cette thérapie, afin que ses effets soient positifs. La danse qui accompagne le 'Stenbali', qui est un type de Hadra, entraîne une sorte de perte de conscience, un état d'extase, qui est l'état nécessaire pour le traitement du patient dans la thérapie moderne.
Mustapha Chelbi s'est intéressé dans un ouvrage au rituel de possession et décrit une scène de la façon remarquable :
« Le stambali se déroule dans une ambiance tendue, à tel point que la grosse femme qui avait tout à l'heure de la peine à bouger, à marcher, se trouve curieusement légère lorsqu'elle est prise par le besoin de danser. Elle se couvre le visage avec un grand foulard et se bascule en avant et en arrière jusqu'à perdre connaissance. Une autre la remplace et c'est la contagion, l'orchestre joue encore plus fort et ne s'arrête que lorsqu'une aïeule se présente et danse jusqu'à s'évanouir aux grands cris de la famille... On lui met une clé dans la main... Elle retrouve ses esprits, on l'embrasse, car elle a vécu quelque chose d'essentiel et tout redevient calme. »
Si la musicothérapie est une forme de traitement acceptée en Occident, elle est souvent qualifiée de sorcellerie au Maghreb. Les experts tunisiens dans ce domaine se battent pour élever le statut de ce type d'approche au rang d'un traitement reconnu. Nous sommes pris entre le traditionnel et le scientifique. Malgré les résultats impressionnants obtenus par le Hadra dans le traitement de certains patients, ce type de thérapie ne peut être adopté dans un environnement clinique, notamment dans la mesure où à ce jour, nous n'avons pas encore trouvé d'explication scientifique claire à son sujet, ce qui étonne même les chercheurs européens qui sont venus en Tunisie pour étudier cette thérapie traditionnelle.
Selon une mythologie ancrée, ils considèrent Bilal, l'esclave noir affranchi par le Prophète comme le fondateur de cette confrérie sans en avoir de réelles preuves historiques, mais s'explique plutôt du fait de leur présence au sein d'une société reconciliée avec l'Islam pour en donner une certaine légitimité. Toujours est-il qu'on les désigne parfois par le terme de « bilaliens ».
Comme le diwan (désignant approximativement rassemblement) en Algérie ou les gnawas au Maroc, le stambali de Tunisie a des origines subsahariennes. Les études qui ont été faites sur le stambali le font remonter au culte des bori dans les sociétés Haussa. Certaines hypothèses vont jusqu'à évoquer le Vaudou haïtien voire à certains rites brésiliens. Selon Ezzedine Dekhil le stambali est un rite qui se présente comme un théâtre et qui se veut ou se dit défensif et prétend guérir certaine « maladies » (maladie psychsomatique, trouble du comportement, protection contre le mauvais oeil et la jalousie).
Instrumentation et description de la musique
Les instruments utilisés sont le Guembri (luth-tambour à trois cordes) joué par le maître musicien (maâlem), les Qaraqab (ou Qraqeb) (قراقب) et le T'bel (tambour). Le guembri ressemble à un tambour rond et vaste, où se glisse gris-gris et ferrailles, précipité par une fente par la main du maâlem. aux yeux malicieux C'est toujours lui qui joue le Guembri, sur lequel il interprètre des mélodies particulières propres à chaque melk (entité surnaturelle qui vient chevaucher le possédé). Chaque adepte ne peut être possédé que par le même melk et ne peut être possédé que si la mélodie est jouée par le guembri. Ces instruments fatals ont pris leurs rondeurs en traversant les déserts et n'ont rien cédé de leur étrangeté. Ils ont gardé les ornementations de cauris, coquillages sacrés et divination venus d'Afrique de l'Ouest. Tout rappelle les cérémonies du candomblé brésilien, celles de la sonnerie cubaine ou du vaudou haïtien.
Dans le quartier de Sidi Abdel Salam à Tunis, Dar Barnou est la maison mère de l'une des dernières confréries stambalies de Tunisie.Le stambali est aujourd’hui menacé de disparaître.
Sources
Ahmed Rahal, la Communauté Noire de Tunis, Thérapie initiatique et rite de possession, L'Harmattan, 2000.
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