Cheb Hasni, l'inventeur du Raï sentimental

Publié le 10 Décembre 2007

Hasni Chakroun alias cheb Hasni الشاب حسني dit le Rossignol du Raï, est un chanteur algérien de Raï né à Oran en 1968 - Assassiné le 29 septembre 1994. Il est l'inventeur incontesté du raï love. Il est toujours considéré comme une sorte de Julio Iglesias néo romantique (par son passé de joueur de football passant du sport vers la chanson), une vedette du raï sentimental, tombeur de filles,. Il avait vendu près d'un million de cassettes de son premier album avec Cheba Zahouania. Il est l'auteur de plus de 400 titres.

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Biographie

Hasni Chakroun est issu d'une famille originaire de Mascara modeste comptant sept enfants. Ce fils de soudeur abandonne ses études pour se consacrer football et devient un bon joueur au sein de l'équipe d'Oran. Après avoir joué dans de nombreux matchs, "le joueur Hasni" devient très vite connu. Comme de nombreux petits Algériens, sa jeunesse passe, heureuse mais difficile. Le pays est pauvre, et sa population, dont la majorité a moins de vingt ans, sombre dans la peur. Les intégristes dirigent le pays et la morale, condamnant tout usage non religieux de l'art. Hasni prend, dès son plus jeune âge, un ascendant vers la révolte en chantant dans la rue ou à la sortie de l'école.

La futur star du raï a quasiment toujours chanté, si l'on en croit ses déclarations au journal Libération, en 1992, reprises dans l'ouvrage "L'aventure du raï - Musique et société", co-écrit par Bouziane Daoudi et Hadj Miliani (Ed. du Seuil) : "Môme, on me connaissait dans le quartier parce que j'avais le gosier toujours déployé, le cartable jeté au loin". Fou de football, il se fait un temps remarquer la balle au pied. Cette passion sera passagère. Son truc, le moteur de sa vie, ce n'est ni l'école, ni le ballon. Pour lui, une seule chose compte déjà, une seule obsession : le raï. La chance croise une première fois sa route dans une fête de mariage. Le groupe des frères Naoui, présent ce jour-là, craque pour sa voix et l'invite à passer sur la scène du cabaret la Guinguette. 

Empruntant au raï, répliquant quelques plans de la variété occidentale (Julio Iglesias, Pierre Bachelet…) ou orientale (Farid El Atrache, …), il devient aussi un chanteur apprécié auprès de la jeunesse algérienne aimant chanter l'amour charnel parfois assez crûment: Nous avons fait l'amour dans une barraque complètement niquée.  

Rapidement, le raï prend le pas sur tout ce que peut aimer un enfant de son âge (le foot ou l'école). Il n'a qu'une envie, celle de devenir un véritable chanteur. Il se produit alors dans les fêtes de village et les mariages, puis intègre l'orchestre de Naoui Kada. Dans un pays où la production discographique n'est pas ouverte à tous, le jeune Cheb aura la chance de rencontrer les bons producteurs et de posséder, évidemment, une sacrée dose de talent.

Il donne son dernier concert le 5 juillet 1994 au stade olympique d'Alger où il avait participé à la commémoration de la fête de l'Indépendance du pays où il a chanté, dansé et mobilisé avec lui quelques 150.000 personnes.

Sa chanson El Barraka (La Barraque) qu'il interprète avec la chanteuse algérienne Cheba Zahouania dans laquelle il parlait ouvertement de sexualité l'avait rendu célèbre avec des paroles Derna lamour fi baraka mranika. Ana ditheha ou houma ya gh'dou iranikou (qui disent: nous avons fais l'amour dans une baraque mal foutue. Moi je l'ai prise et que les autres aillent se faire foutre.)

Il demeurait attaché à ce genre musical. « Tout le monde l'écoute. Même à la radio, le raï passe parce qu'il n'y a aucun autre genre musical qui l'ait battu », disait-il. Ce style de musique est inscrit sur la liste noire des intégristes qui estiment qu'il détourne les jeunes de la religion.

Il évoquait dans ses chansons  les thèmes du divorce et de l'alcool.

 Après avoir été victime d'exactions de fanatiques religieux, il répond  en chantant aux tenaces rumeurs répandues sur sa disparition, et enregistre gualou hasni met (ils disent que Hasni est mort) un titre hélas prémonitoire. Il est ensuite cruellement assassiné à Gambetta, à l'âge de 26 ans de deux balles dans la tête, dans les bras de son frère.

 Cheba Zahouania dira sous le choc. : J'ai des enfants, mes parents...j'ai peur. Ils n'ont pas tué Hasni. Ils ont tiré sur la jeunesse algérienne. Nous ne chantons pas de politique, mais que l'amour, les problèmes au sein de la famille du style  ; rends moi mes enfants, ou il m'a chassé de la maison, ...J'ai 5 enfants, je ne vais pas m'arrêter, que vais-je faire d'autre ?  Et puis, je voulais toujours chanter. A 50 ans, je vais m'arrêter partir à la Mecque...

Sa mémoire reste un symbole pour la jeunesse algérienne. Il laisse derrière lui l'image d'un martyr et reste l'idole d'une génération toute entière. Il aura eu un seul enfant nommé Abdellah Chakroun, né en 1991 et son ex-femme vivrait aujourd'hui en France.

 

Sa mémoire

Ils ont dit de lui...

 

Abdelwahab Doukkali : « il célébrait l’espoir et l’espérance, le roi du raï sentimental, l’enfant terrible de Gambetta, le quartier populaire et populeux d’Oran, « Tchato » (nez épaté, en espagnol) comme aimaient à le surnommer ses fans, l’auteur mythique de Tal ghiyabek ya gh’zali, Gaâ n’ssa, Baïda mon amour, Visa ou encore Arwahi netfahmou. »

 

Cheb Abdou : Dans le titre "ils ont dit" Cheb Abdou s'exprime : «"celui qui n'aime pas Cheb Hasni, n'aime pas la musique"[1]»

 

Cheb Mami « Depuis la disparition de Hasni, c’est toute la musique algérienne qui a été mutilée. C’est un membre d’un corps qu’on a amputé. C’est un membre de la famille du raï qui a été arraché à la vie. Une grosse perte. Je reste un fan. C’était quelqu’un de très humain. C’était un ami et un frère pour moi. J’écoute et j’adore toujours sa chanson Mazal Souvenir Aândi... »

Messaoud Bellemou : « C’est un guendouz (un élève) que j’ai connu et vu évoluer au cabaret le Biarritz. C’était un jeune chanteur très gentil qui avait réussi avec sa voix. On ne s’attendait pas à cela. Il avait trouvé son chemin : le raï romantique. Un autre genre de raï. C’est l’un des martyrs de la chanson raï... »

Bouteldja Belkacem : « Hasni a réussi et a bien su toucher la jeunesse algérienne avec sa musique, ses paroles et sa belle voix romantique. C’est le Julio Iglésias algérien. Je l’ai aimé, et je l’aime toujours... »

Boualem Disco Maghreb : « Hasni, c’est le maître de la chanson raï sentimental. Il avait débuté avec un tube de raï typique. Après plusieurs flops, il s’est cassé la tête pour trouver son propre style. Et puis cette divine voix ! Il produisait chaque trois ou quatre jours, et sortait une K7. Hasni faisait rêver les jeunes... »

Cheb Khaled : « Artistiquement, Hasni faisait partie de la relève du raï. L’un des meilleurs. Nous avons joué ensemble dans les mariages et les cabarets. Je le considère comme un filleul, un cousin, un ami... Le souvenir de Hasni vivra à jamais dans mon cœur. Hasni me manque. »

Houari Benchenet : « Hasni, c’est un chanteur qui s’est beaucoup inspiré du raï mélodique. Il aimait mes chansons. Ils les enregistrait et venait me les faire écouter. Une belle leçon d’humilité !... »

Lotfi Attar : « Il est arrivé au bon moment pour adoucir le raï. Il avait tout le marché pour lui. Et puis un texte propre et de bons thèmes. Sur le plan musical, il adaptait ses chansons sur la variété française. Les jeunes se sont retrouvés dans sa musique malgré la violence ».



Discographie
• Best of (2006)
• Le Coffret d'or (2003)
• Khatfet galbi (2003)
• 8 ans déjà (2002)
• Hasni (2001)
• Salam Maghreb (2000)
• Lovers Rai (1997)
• Rani mourak (1994)
 
 
Voir aussi
 

Rédigé par Mario Scolas

Publié dans #Raï, #Cheb Hasni, #Musiques algériennes

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