Focus sur Djerba, perle de la Méditerranée
Publié le 11 Juin 2011
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« À Sfax, l’hiver vous aura quittés ; à Gabès vous trouverez le printemps ; à Tozeur l’été ; et à Djerba vous découvrirez la cinquième saison. Mais oui Monsieur, la cinquième saison, ce climat spécial à l’île de Djerba, si étrange, fait de sécheresse extrême, de brise marine, de fraîcheur et de rosées nocturnes, de quelque chose de rationnel, de tempéré en tout. » - Emmanuel Grevin, Djerba. L'île heureuse et le Sud tunisien, éd. Stock, Paris, 1937.
Djerba, île du sud-est de la Tunisie, dans le golfe de Gabès, bras de la mer Méditerranée. Djerba est sans doute l'île des Lotophages, mentionnée dans l'Odyssée. Superficie : 510 km2 ; population (2004) : 139 517 habitants.
L'île mesure environ 30 km de largeur pour 25 km de longueur. Le terrain de l’île est plat et aride mais le sol est arable ; les puits artésiens constituent la principale source d’eau.
Les oliviers, les palmiers-dattiers et les figuiers sont les principales cultures. Outre l’agriculture, la pêche d’éponges et d’huîtres, la fabrication de poteries, de bijoux et de tissus ainsi que la production d’huile d'olives font partie des principales activités de l’île. La ville de Houmt-Souk, située sur la côte nord, est le centre administratif et des affaires.
Djerba est la fille de la Méditerranée et ses habitants ont acquis au fil du temps les traits propres aux gens de la mer. Leur sens de l'accueil est légendaire. Et pour mieux honorer l'hôte, rien de tel que le silence. Un silence quasi surnaturel, qui tranche avec l'agitation des villes du continent.
Gustave Flaubert n'écrivait-il pas au siècle dernier qu'à Djerba « l'air est si doux qu'il empêche de mourir »?
Ici le regard n'est jamais obstrué par le relief, Djerba est plate, le sable blanc est omniprésent, sur lequel repose les Menzels, ces propriétés typiquement Djerbiennes, badigeonnées à la chaux, gage d'hygiène, et contribuant ainsi à cette harmonie de blanc et de bleu qui caractérise l'île.
Histoire
Dans la mythologie grecque, l'île était la patrie des mangeurs de lotus.
"Poussé par les forces du dieu Eole, Ulysse tira les nefs fatiguées sur le sable fin de l'île des Lotophages. A peine arrivé et débarqué, et après avoir satisfait faim et soif, Ulysse envoie des hommes reconnaître les lieux. Mais a peine en chemin, ses envoyés se lient avec des Lotophages qui, loin de méditer le meurtre de ces étrangers, leur servent du lotos. Et aussitôt qu'ils eurent mangé de ce fruit, quelques uns oublièrent tout ce qui n'était pas cette île. Ulysse eut du mal a rassembler ses marins mêlés à la population de île car, sitôt que l'un d'eux goûtait à ces fruits de miel, il ne voulait plus rentrer ni donner de nouvelles. Ulysse dut les ramener de force, tout en pleurs, et les mettre aux chaînes, allongés sous les bancs au fond de leur vaisseau. Puis il fit rembarquer ses marins fidèles. Pas de retard! A bord! s'écria Ulysse, le rusé, qui craignait qu'à manger de ces fruits, les autres - les fidèles - n'oubliassent aussi le jour du retour".
Vers le 1er siècle l’île connut un nouvel essor et retrouve son rôle économique d'antan. En effet, dès le 2ème siècle ap. J.C., des commerçants et des colons romains s'installèrent sur île qui devint rapidement une importante place de négoce et de commerce et un vaste entrepôt d'huile d'olive et d'autres produits: ivoire, plumes d'autruche, or, peaux en provenance des pays du sud du Sahara...
Djerba fut une possession romaine, puis elle est prise successivement par les Arabes (en 655), les Normands de Sicile, les Espagnols et les Turcs.
Pendant tous ces siècles, île fut harcelée par les attaques et les agressions permanentes d'assaillants et d'envahisseurs venus de l'extérieur : les Fatimides de Kairouan, les Bédouins de Beni Hilal, les Germains et les Normands de Sicile, les Aragonais, les Chevaliers de Malte, les Génois, les Espagnols en lutte contre les Turcs, les nomades voisins et, enfin, les corsaires dont les razzias balayèrent les côtes de l'île, à partir du 14ème jusqu'à la fin du 18ème siècle.
Mosquée souterraine
Pendant toute cette période, l'insécurité fut telle que la population abandonna toutes les fameuses cités antiques situées sur la côte. Ces célèbres agglomérations entrèrent désormais dans une irrémédiable décadence, puis dans l'oubli et, enfin, dans un silence absolu.
Comme pour toutes les îles de la Méditerranée, la mer a joué le rôle d'élément répulsif. Les Djerbiens ont reflue vers l'intérieur, se groupant dans leurs "châteaux", dans leurs menzels fortifiés, afin de pouvoir mieux résister a la horde des envahisseurs venant de la terre ou de la mer.
En 1881, Djerba, tout comme la Tunisie, est occupée par la France.
- Ghriba, lieu saint du Judaïsme tunisie. Certains historiens pensent qu'elle est la plus ancienne synagogue du monde, en tout cas elle l'est surement pour le Maghreb. Et elle attire toujours, au moment despèlerinages de Lag Ba'Omer, des milliers de pèlerins qui viennent de partout et même d'Israël !
cf: Histoire des Juifs à Djerba
L'habitat traditionnel agricole : Le Menzel
Léon l'Africain, cité par Salah-Eddine Tlatli donne au xvie siècle une description de l’habitat et de l’activité de Djerba qui est très proche de la situation des années 1960 : « Gerba est une île prochaine de terre ferme [...] garnie d’une infinité de vignes, dattes, figues, olives et autres fruits. En chacune des possessions est bâtie une maison, et là habite une famille à part, tellement qu’il se trouve force hameaux mais peu qui aient plusieurs maisons ensemble. Ce terroir est maigre, voir qu’avec si grand labeur et soin qu’on puisse mettre à l’arroser avec l’eau de quelques puys profons... ».
L’ensemble de l’entité spatiale est traditionnellement la propriété d’une famille élargie. Il se compose généralement d’une parcelle agricole de deux à cinq hectares environ plantée de palmiers, d’oliviers, d’arbres fruitiers, de sorgho, de céréales ou de cultures maraîchères. Selon sa région d’implantation, le menzel est pourvu de un ou de plusieurs puits ou citernes destinés à l'irrigation des champs. Le puits est juché sur un monticule afin d’assurer une irrigation de la totalité des champs par simple gravité.
Une ou plusieurs unités d’habitation, les houch, s’organisent autour d’un patio central et comprennent des pièces couvertes de toits plats ou voûtés en forme de coupole. On y trouve également les équipements nécessaires à la production agricole et à la production de biens de consommation : il peut ainsi comporter un grenier, une écurie, une aire de battage (errayah), un atelier de tissage et une huilerie aménagés en fond de parcelle ou accolés à l’habitation sur sa façade occidentale.
Entouré de hauts murs qui lui donnent un aspect fortifié, le menzel est organisé selon un principe défensif. En tant que lieu de vie familiale, le menzel est également protégé par des haies (tabia) constituées de plantations d’agaves, d’aloès ou de figuiers de Barbarie qui stabilisent le talus, filtrent la poussière transportée par les vents et constituent un microcosme pour les insectes et les reptiles qui y vivent.
Musée du patrimoine traditionnnel de Djerba
Attaché à son passé et respectueux du patrimoine culturel de l'île, une poignée d'amoureux de Djerba se sont réuni en association dont l'objectif est de préserver la tradition des lieux dans tous nouveau projet de modernisation. Des gardiens du temple en quelques sorte, dont la vigilance ne peut que s'avérer bénéfique aussi bien pour les habitants de Djerba que pour ses futurs hôtes.
C'est une visite incontournable désormais à Djerba. Le Musée du Patrimoine Traditionnel de Djerba, situé au coeur de Houmt Souk, avenue Habib Thameur, ouvert depuis le début de l´année 2009, est une pure merveille. Non seulement, il regorge de trésors du patrimoine, mais retrace avec intelligence et raffinement les us et coutumes locaux à travers plusieurs salles magnifiques abordant les thématiques suivantes : l´agriculture traditionnelle, la pêche, la poterie, le costume féminin djerbien, les boiseries, le tissage et l'orfèvrerie djerbienne.
Le musée comprend une exposition permanente s´étendant sur 720 m2, une salle d´exposition temporaire de 127 m2, une salle de conférence, un espace d´animation, un centre d'interprétation dans la Zaouia de Sidi Zitouni et une boutique.
Les horaires de visite en hiver (du 15 septembre qu 15 avril) sont : 9H00-16H30 et en été (du 16 avril au 14 septembre de 09H00 à 19H00. A noter que la cafétéria et la boutique sont fermées les vendredis.
Musique et danse à Djerba
La musique djerbienne issue du folklore se fonde essentiellement sur les percussions telle la darbouka ou encore le tbal (grand tambour cylindrique, utilisé exclusivement par les hommes) ainsi qu’un instrument à vent autrefois nommé ghita et de plus en plus appelé zoukra ou zurna, utilisé uniquement par les hommes.
Les rythmes sont généralement lents et mélodieux ; l’un d’entre eux, la chala, est spécifique à l’île.
Le mezoued fut introduit à Djerba plus récemment, avec notamment les chanteurs Hbib Jbali et Mahfoudh Tanish.
Le chant à thème occupe une place de choix : les chansons racontent généralement une histoire romantique, le plus souvent triste et nostalgique ; les paroles sont parfois osées, surtout lorsqu’il s’agit d’histoires d’amour.
Beaucoup de paroliers sont des femmes, ce qui pourrait s’expliquer par le fait que traditionnellement, alors que l’homme s’expatriait pour faire du commerce, la femme restait sur l’île, loin de son conjoint, pour s’occuper de la terre, des enfants et des personnes âgées.
Le rythme de la danse djerbienne est différent de celui de la plupart des autres danses issue du folklore tunisien ; il est plutôt lent et se danse généralement les pieds à plat sur le sol alors qu’ailleurs en Tunisie le rythme est souvent rapide et se danse en demi-pointes.
Le gougou est une danse folklorique de la communauté d’origine subsaharienne qui est présente dans l'île depuis plusieurs générations et qui dispose de son propre saint (Sidi Sâad), s'effectue quant à lui avec des bâtons et accompagné de chants et de tabl, commençant par un rythme lent qui s’accélère progressivement pour finir par des mouvements endiablés.